Le premier volet de la réforme des institutions et la colère de Gérard Larcher

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Chaque matin, Hélène Jouan évoque un sujet précis de la vie politique.

La réforme des institutions promise par le candidat Macron arrive mercredi en conseil des ministres. Sa réussite dépend beaucoup d’un homme, Gérard Larcher, le président du Sénat, qui détient la clef de la majorité des 3/5ème des voix à la chambre haute. 

"Même pas peur", tonne Gérard Larcher quand on évoque devant lui le plat de résistance du projet de loi constitutionnelle. Il a déjà digéré la proportionnelle, la limitation des mandats électifs dans le temps et même la diminution du nombre de parlementaires. On ne lui fera donc pas avaler comme ça ce qu’il considère comme trop roboratif pour son estomac, qu’il a pourtant accueillant tant par nature que par conviction politique. L’annonce d’un renouvellement anticipé du Sénat en 2021, histoire que la réduction du nombre de sénateurs n’affecte pas leur représentativité, est vécue comme l’arrête dans le gosier : pourquoi ne pas dire tout de suite qu’on veut organiser des scrutins jusqu’à ce que la République en marche gagne tous les scrutins ? Tripatrouillage, dit-on au Sénat

Qu’est ce qui déplaît au président du Sénat dans ce que propose le gouvernement ? "C’est la première fois depuis 1958", tonne-t-il toujours, qu’une réforme constitutionnelle s’attache à réduire les droits du parlement. De Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy, à chaque fois, le parlement grignotait quelque once de terrain sur l’exécutif. Mais là, c’est du jamais vu : le gouvernement veut retrouver l’entière maîtrise de l’ordre du jour, simplifier la navette parlementaire et laisser plus souvent encore la dernière parole à l’Assemblée, crime de lèse sénateur. Efficacité défend l’Elysée. "Non, marche arrière toute", analyse le président Larcher. "Autant qu’on disparaisse et c’est non !", jure-t-il. 

Le président du Sénat est pourtant connu pour explorer toujours les voies du dialogue. Un dialogue "constructif" avec Emmanuel Macron, qui lui a déjà permis d’obtenir quelques concessions. Mais là, il estime que c’est de la provocation inutile. Entre le premier discours devant le Congrès du nouveau président en juillet - "j’achetais à l’époque", se souvient Larcher - quand Macron affirmait qu'"il n’est pas de République forte sans parlement fort" et la mouture présentée aujourd’hui, le sénateur estime qu’il y a mensonge sur la marchandise. Il évalue surtout ce qui est en train de monter comme critique sur la gouvernance Macron : la verticalité du nouveau locataire de l’Elysée, au détriment de l’écoute, du dialogue avec les corps intermédiaires, les syndicats et en l’espèce les parlementaires. "La tentation du décret loi n’est jamais bonne en démocratie", rappelle-t-il.

C’est fort de cette tempérance qu’il s’apprête à se battre pour ne pas voir ses pouvoirs rabougris. Une tempérance qui pourrait trouver là sa limite : "à l’Assemblée et au Sénat de corriger le texte maintenant. Et si le président refuse toute concession, et bien qu’il aille au référendum", provoque-t-il. "On a vu ce que ça donnait à Air France les référendums qu’on croyait gagnés d’avance", murmure-ton au Sénat.