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Chaque jour, Vincent Hervouët traite d’un sujet international.

La révolution de velours en Arménie. Hier, le chef de l’opposition a échoué à obtenir la confiance de l’Assemblée. Il en appelle à la désobéissance civile.

Nikol Pachinian veut bloquer les routes, les gares, les aéroports. Il se croit en France ! En même temps, on comprend qu’il soit déçu. Le 1 mai, à Erevan devait être l’apothéose d’un printemps politique, avec le couronnement du contestataire suprême, la prise du pouvoir dans une atmosphère de kermesse. Trente ans après, un mai 68 enfin abouti, rien à voir avec la guéguerre qui s’est jouée hier du côté du pont d’Austerlitz.

C’était le programme. Nikol Pachinian a fait tomber le Premier ministre Sarkissian, en clamant « 10 ans ça suffit ! » et l’autre a répondu « j’ai eu tort »… En bonne logique, Nikol Pachinian devait prendre sa place. Déjà ses partisans se rassemblaient sur la grande place. Il restait une formalité, se faire élire par l’Assemblée. Il était le seul à se présenter… Le candidat unique, c’est à ce genre de détails qu’on voit qu’Erevan a longtemps été une préfecture de l’empire soviétique. Et puis, patatras, le parlement lui a refusé la confiance. 45 voix pour, 55 contre. C’est vexant, d’être le seul candidat et d’échouer au concours.

Qu’est-ce qui s’est passé ?
Nikol Pachinian n’a pas rassuré. Et pourtant, il avait troqué son habituel treillis qui lui donne mauvais genre, moitié barbudo, moitié bricolo, contre l’uniforme de premier ministre, costume sombre, cravate sombre, œil sombre. C’est un ancien journaliste et son discours sur le changement a paru aussi confus que la ligne éditoriale d’une chaine d’info continue. Un député a commenté : « on ne peut pas être un peu libéral et en même temps un peu socialiste ». On voit que l’Arménie n’est pas la France.

C’est un vrai tribun !
Au seuil du pouvoir, il n’a pas pu s’empêcher de singer la révolution. Il a menacé les députés d’un « tsunami politique ». Il a dit, un gouvernement dans deux semaines, un programme dans trois semaines. Et bien sûr, des élections anticipées. Il a ajouté : « Si vous ne m’élisez pas, ce sera voler une fois de plus sa victoire au peuple ». Traiter de voleurs les gens auxquels on réclame tous les pouvoirs, c’est jouer les kamikazes.
Bref, le triomphe a tourné à la Bérézina parlementaire. Nikol Pachinian veut maintenant obtenir par la rue ce qu’il n’a pas obtenu dans les urnes. Il en appelle à la société civile contre les élites. Le changement, c’est tout de suite et c’est lui.

Moscou laisse faire ?
La Russie est parfaite. Neutre mais en contact avec tous les acteurs. Et prête à jouer les médiateurs. Parfaite. Et pour cause, elle ne risque rien. L’Arménie est entourée d’ennemis, les Azeris, les Iraniens, les Turcs. Elle dépend du Kremlin sur le plan économique, stratégique, militaire. Cette révolution de couleur peut suivre son cours. Pour Moscou, c’est du barbouillage.