Une trousse de maquillage relance les affaires de sexisme dans le monde spatial

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Chaque matin, Alain Cirou nous explique en détails un évènement scientifique.

Aux États-Unis, les affaires de sexisme n’ont pas fini de défrayer la chronique et le monde spatial lui-même n’est pas épargné.

Et si le prochain homme sur la Lune était une femme ! Ça serait un second grand bond dans l’histoire de l’humanité. Et c’est une affaire de trousse à maquillage qui va nous le démontrer.

À la fin des années 70 les ingénieurs de la Nasa ont imaginé un kit de maquillage pour les premières femmes astronautes. Avec eye-liner, rouge à lèvres, fard et mascara. Un kit qui n’a jamais quitté la terre mais dont la photo, publiée sur internet cette semaine, montre la perception de la gent féminine dans le milieu machiste des pilotes et ingénieurs de l’espace.

C’est une photo qui vient des collections du Musée national américain de l’air de l’espace qui révèle l’affaire et dénonce l’état d’esprit de l’époque : quand la Nasa a envisagé d’envoyer des femmes dans l’espace, ses ingénieurs ont immédiatement conçu une trousse de maquillage.

Ça pourrait paraître anecdotique, mais ça ne l’est pas ! C’est même une leçon d’histoire des sciences qui démarre en Union soviétique avec Valentina Tereskova, la première cosmonaute de l’humanité, lancée deux ans après Gagarine, comme un symbole d’égalité entre les sexes que ne pratique pas l’Amérique d’alors.

Le problème c’est que ça se passe mal ! Elle est malade. Le patron des vols déclare que "les nanas, c’est pas fait pour l’espace" et ça s’arrête pendant 19 ans !

Dans la course à la Lune, les américains ont-ils pensé faire appel à des femmes astronautes ?

En 1968 la question a été posée par un journaliste au directeur du Centre des vols spatiaux de la Nasa : "envisagez-vous d’envoyer des femmes dans l’espace, comme l’ont fait les soviétiques". Et il a répondu "non, nous n’avons aucun projet de la sorte" avant d’ajouter "à moins que… vous savez, il y a 50 kg prévus à bord d’ Apollo pour le matériel à usage récréatif, alors".

À l’époque, les astronautes sont des pilotes d’essais, tous blancs, militaires. Les places sont chères et même les scientifiques ne sont pas les bienvenus. Il faudra attendre juin 1983 pour que Sally Ride, première sur 8000 candidates, soit aussi la première américaine à voler à bord d’une navette spatiale.

Tout ça c’est du passé. Aujourd’hui l’équilibre est-il rétabli ?

Pas vraiment.

En 60 ans de vols spatiaux et près de 560 voyageurs dans l’espace, 11% seulement sont des femmes. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ont dû se battre, dans un milieu machiste, pour se faire une place et une légitimité à bord des vaisseaux spatiaux.

Le problème n’est pas physiologique mais culturel. L’astronaute américaine Shannon Lucid qui passera six mois à bord de la station spatiale Mir raconte que ses deux compagnons russes, quand ils sortaient dans l’espace pour des opérations de maintenance, n’hésitaient pas à poser sur le panneau de commandes un scotch rouge, pour éviter qu’elle y touche !

Mais cette mixité va finir par s’imposer et pour rester aux États Unis (les inventeurs de la trousse à maquillage pour l’espace). Lors de la dernière sélection de 12 astronautes en juin dernier, cinq sont des femmes. Un siècle après le formidable film muet de Fritz Lang, tourné en 1929, "La femme sur la Lune", la fiction deviendra peut-être réalité.