"Une vague féministe qui n'attendait qu'un petit coup de vent pour submerger la plage du matchisme dominant"

Jacinda Ardern, Première ministre de la Nouvelle Zélande 2:55
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Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, la troisième vague féministe.

"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.Bonjour François

Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes.

"Madame la Première Ministre ne répond pas". Elle est en congé maternité. Dit comme ça, rapidement, ça peut passer, style : la DRH est en congé maternité. Non, j'ai bien dit la Première Ministre, Wendy, comme si Edouard Philippe, six mois après sa nomination, nous annonçait qu'il se mettait en congé paternité. Et où ça se passe? En Scandinavie? Au pays de la magnifique série télévisée "Borgen", qui raconte le quotidien d'une femme Première Ministre au Danemark.  Non, pas du tout mais à l'autre bout du monde, en Nouvelle Zélande, où moins de six mois après son improbable élection, Jacinda Ardern vient d'annoncer tout sourire au pays que oui, elle était fière d'être Première Ministre et maman en même temps et qu'elle allait prendre six semaines de congé. 

Anecdotique ? Non, regardez Wendy. Hier, à Munich, conférence annuelle à l'OTAN, sur la sécurité dans le monde. A la tribune, les deux ministres des armées des deux plus grandes puissances européennes, à savoir l'Allemagne et la France. A ma droite, Madame Florence Parly et à ma gauche, Madame Ursula von der Leyen, 59 ans, maman de 7 enfants, à elles deux, 400.000 soldats sous leurs ordres.

Non, tout ça, ce n'est pas de l'anecdote mais le miroir étincelant de cette révolution 2017, cette vague féministe que personne ne voulait voir venir mais qui n'attendait qu'un petit coup de vent pour submerger la plage du matchisme dominant. Les médias n'y ont vu q'une une très rémunératrice aubaine people, avant de comprendre que c'est bien une révolution qui se joue en ce moment même. 

En 1944, le droit de vote, en 1975, le droit à l'avortement et en 2017 le droit à la parole. Enfin! Dire ce qu'on osait pas dire,et entendre, surtout pour nous les hommes, ce qu'on ne voulait pas entendre. Regardez cette parole qui se libère sous le voile. Il a suffi d'un témoignage, celui d'une femme agressé sexuellement en plein pèlerinage à la Mecque, en Arabie Saoudite, pour qu'en quelques heures 6.000 tweets relaient le propos des femmes victimes, elles aussi, d'agressions. Et voilà un tabou indestructible qui s'effondre en quelques heures sous nos yeux. 

La romancière Tristane Banon, agressée sexuellement par Dominique Strauss-Kahn en 2006, aura eu besoin de 5 ans pour enfin raconter et témoigner. On peut imaginer que sa parole aujourd'hui aurait eu un tout autre écho. Ni revancharde, ni amère, Tristane Banon dans le journal Le Monde cette semaine, évoque son bonheur de vivre cette révolution, celle qui offrira à sa petite fille de deux ans un autre monde.

Et si vous rencontrez encore des récalcitrants, Wendy, qui vous disent que la Nouvelle Zélande, c'est loin et ça ne veut rien dire. Savez-vous quelle est la première nation au monde à avoir accordé le droit de vote aux femmes ? La Nouvelle Zélande en 1893 Du droit de vote au congé maternité, il s'est passé 115 ans. Faites le calcul pour la France, Wendy. Cela veut dire qu'on aura une Première ministre en congé maternité... en 2059 !
Mais quelque chose me dit qu'à l'heure de la révolution "me too", ça ira beaucoup plus vite.