"La révolution verte est une question de survie"

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"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1.

Bonjour François

Bonjour Wendy, bonjour à tous et toutes

En longeant, hier, dans cette magnifique lumière hivernale qui règne sur Paris, les berges inondées de la Seine, comment ne pas y voir le symbole de notre monde tiraillé. Ces berges, interdites aux voitures, devenues le symbole d'une nouvelle ville où l'on respirerait mieux. Ces berges, redonnées aux voitures, sur décision de justice cette semaine, parce qu'on avait peut-être un peu trop vite oublié qu'au-delà du périphérique, il faut bien une voiture pour vivre et travailler dans la ville d'aujourd'hui.

La Seine, millénaire, qui sort du lit trop étroit qu'on a voulu lui construire, met tout le monde d'accord et interdit, tant aux piétons qu'aux voitures, de circuler. Oui, il nous faut entendre ce signe que nous envoie le fleuve. Qu'il est difficile de transformer ce monde que nous avons bâti depuis maintenant presque deux cents ans sur le bonheur de consommer, de produire toujours plus et d'engranger du profit.

Regardez ces fruits et légumes. Cela fait 15 ans qu'on nous culpabilise. Il faut en manger 5 par jour pour découvrir, 15 ans plus tard, qu'ils ont été artificiellement cultivés à coups de pesticides qui menacent notre santé.  Parce qu'on a peut-être un peu trop vite oublié que tout le monde n'a pas les moyens d'acheter un kilo de pommes bio à 7 euros, sur le marché bobo du boulevard Raspail et qu'il était plus facile à l'Intermarché de la Flèche, dans la Sarthe, d'acheter des pommes à deux euros le kilo, fussent-elles artificiellement colorées et mûries.

Regardez cette hypocrisie sur les OGM qu'on découvre dans nos élevages cette semaine. Des OGM interdits, mais qu'un groupe japonais produit dans la banlieue d'Amiens pour ceux, tout là-bas dans de lointains continents, qui ont encore faim. et que le dire tout haute serait menacer plusieurs centaines d'emplois. Oui, qu'elle est difficile à mettre en oeuvre cette révolution verte. Regardons et écoutons le signal que nous envoie la Seine, à l'heure où l'on inaugure le Salon de l'agriculture. Et plutôt que de regarder cet absurde chronomètre (Macron restera-t-il plus longtemps que Chirac ?), comme si c'était cela qui allait changer le monde.

Non, regardons plutôt la réalité en face, celle d'un pays dont le nombre de fermes a été divisé par 5 depuis 1950, d'un pays où un agriculteur se suicide tous les deux jours mais aussi un pays où il n'y a jamais eu autant d'élèves (plus de 200.000) dans les 800 lycées agricoles qui se développent sur notre territoire.

Oui, inquiétons nous de cette obscure préemption chinoise sur nos friches agricoles du Berry mais n'oublions pas qu'en un an, le nombre d'agriculteurs bio dans notre pays a augmenté de 13%. L'ancien monde, contre le nouveau monde. C'est ce message que nous envoie la Seine, qui déborde sur les berges. Que notre civilisation, qui depuis 3.000 ans s'est bâtie autour des fleuves, ne soit pas demain emportée par ces mêmes fleuves.

Oui, la révolution verte est une question de survie. Mais oui, en regardant la Seine, il est clair que cette révolution ne sera pas un long... fleuve tranquille.