"Englués sur notre Nationale 118, nous ne mesurons pas cette tempête politique, économique et idéologique du début du 21ème siècle"

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Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, c'est neige et renouveau politique.

"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1. Bonjour François.

Bonjour Julien, bonjour à tous et toutes.

Engloutis sous 10 centimètres de neige, en plein mois de février. C'est dingue, non ? Nos cousins canadiens en rigolent encore. Peut-être n'avons-nous pas été suffisamment attentifs cette semaine à ces autres perturbations qui ont envahi le ciel européen.

Regardez en Allemagne, voilà qu'on confie les clés de la finance à un ministre de gauche. Aux termes de longues tractations politiques, Angela Merkel a céder pour pérenniser sa grande coalition, voilà les socio-démocrates qui héritent du saint des saints en Allemagne : la gestion des finances publiques.

Alors ne nous emballons pas. On ne va pas pour autant, au pays de la rigueur reine, "raser gratis", comme pourrait le dire un Darmanin teuton. La feuille de route a été négociée et le nouveau ministre des finances, le maire d'Hambourg, Olaf Scholz, n'est autre que celui qui avait incarné le douloureux mais efficace virage libéral des années Schroder. Mais malgré tout, le signe est là et quelque part le diktat de l'austérité allemande en prend un coup. Oui, l'Allemagne serait prête, non seulement à gérer mais aussi à investir dans une nouvelle Europe. Emmanuel Macron aura peut-être la fenêtre de tir que ni Sarkozy ni Hollande n'ont eue. Et voilà donc un ministre de gauche en Allemagne au cœur d'une coalition de droite félicité par un ministre de l'économie français de droite, nommé par un Président élu en grande partie par les voix de gauche.

Emporté par la révolution industrialo-numérique, le monde politique bouge. Regardez de l'autre côté, en Angleterre, où il y a deux choses sacrées : la Reine et le bipartisme. Dans ce pays où Labour et Torries se partagent depuis des décennies le pouvoir, de jeunes insolents cette semaine, sur le modèle macronien français, décident de créer un nouveau parti, ça s'appelle "Renew". Ils ne sont qu'une poignée. Mais ils ne veulent pas subir ce que leurs aînés ont décidé pour eux : le Brexit.

Oui, le monde politique bouge. Oui, les vieilles murailles idéologiques se fissurent. Avez-vous vu ce tweet cette semaine ? "Marx avait raison". Ce n'est pas signé Besancenot, ni Mélenchon. Ce n'est pas un fake, non. C'est signé Patrick Artus, directeur des études d'une des plus grandes banques européennes d'investissement : Natixis. Au-delà du titre, très accrocheur, la réalité écrite par le banquier est beaucoup plus nuancée. Nous ne sommes pas encore aux portes de cette fameuse baisse tendancielle du taux de profit, source, selon Marx, de l'effondrement du système capitaliste. Mais la montée des inégalités dans notre monde est telle qu'un banquier, ne serait-ce que pour se rassurer un peu, peut-être, relise Marx. C'est là aussi un signe avant-coureur.

Englués sur notre Nationale 118, nous ne mesurons pas suffisamment cette tempête politique, économique et idéologique du début du 21ème siècle. Mais à n'en pas douter, elle sera dans tous les livres d'histoire que nos enfants et petits-enfants apprendront. Et comme je suis un papa et aussi, quelque part, un homme positif, en détournant le célèbre adage, j'ai envie de dire : "Après la tempête, le calme. Voire un anticyclone durable, source de soleil et de chaleur".