Zone euro, souviens-toi l'été dernier

Les Bourses européennes restaient sous tension mardi matin, après un lundi noir et la décision de l'agence de notation Moody's d'abaisser la perspective de la dette de trois pays européens notés AAA, dont l'Allemagne
Les Bourses européennes restaient sous tension mardi matin, après un lundi noir et la décision de l'agence de notation Moody's d'abaisser la perspective de la dette de trois pays européens notés AAA, dont l'Allemagne © MAXPPP
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Les marchés dépriment et Moddy's menace la dette allemande. La crise de 2011 refait surface.

Se dirige-t-on vers un remake de l'été 2011, et ses journées de dégringolades boursières en cascade ? Les bourses européennes étaient en tout cas sous tension mardi matin, après un lundi noir et la décision de l'agence de notation Moody's d'abaisser la perspective de la dette de trois pays européens notés AAA, dont l'Allemagne, pilier jusqu'ici inébranlable de la zone euro. Vers 10h20, Paris reculait ainsi de 0,20%, Londres de 0,23%, Francfort de 0,58%, Milan de 0,92% et Madrid de 0,84%.

"Un été plus meurtrier qu'en 2011"

Lundi, les bourses européennes donnent le ton. Elles ont entamé la semaine par une forte chute des bourses et de l'euro. Paris tombait ainsi de 2,89% à la clôture. La Bourse madrilène a terminé en recul de 1,1%, après une baisse dépassant les 5%. Idem à Milan où, après une chute de 5%, la Bourse a cédé finalement 2,76% à la clôture. Dans ce contexte, l'euro accélérait également sa chute, glissant à des niveaux plus vus depuis deux ans face au dollar et depuis 11 ans face au yen, jusqu'à 1,2067 dollar à la mi-journée, son plus faible niveau depuis le 10 juin 2010. La crise est-elle belle et bien de retour ?

"Il y avait longtemps que nous n'avions pas eu une séance (lundi) aussi inquiétante, qui rappelle les folles journées de l'été dernier", n'hésite pas à avancer Andrea Tueni, analyste chez Saxo Banque. "C'est vraiment une situation quasi critique. Les marchés ne savent pas à quoi se raccrocher", renchérit Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.

En 2011, c'est la Grèce qui faisait avant tout trembler les marchés. Le pays et ses banques, en proie à un endettement considérable, étaient menacés d'une sortie de la zone euro, voire de faillite. Multipliant les sommets, les dirigeants peinaient à trouver un plan d'aide faisant l'unanimité. Les marchés s'inquiétaient alors, outre la faillite de la Grèce, d'une contagion à d'autres pays de la zone euro. Ajoutez à cela la morosité de l'économie américaine de l'époque, et vous aviez un Cac 40 en recul pendant plus de 10 jours consécutifs !

Lire : Pourquoi les bourses vacillent  (fait en août 2011)

Aujourd'hui, certains voient même venir un été "encore plus meurtrier", à l'instar de Robert Jules, éditorialiste à la Tribune.fr. "En cette fin de mois de juillet 2012, le constat est saisissant. La contagion à l’Espagne a bien eu lieu, la Grèce est plus proche que jamais de la sortie de l'euro, la France a perdu son triple A, le système bancaire européen est dans une situation de faiblesse et de méfiance chronique, et même un faucon comme les Pays-Bas fait profil bas et doit procéder à des plans de rigueur", s'alarme le journaliste. Comment expliquer ce retour des tensions en 2012?

La dette espagnole au cœur du foyer

Contrairement à 2011, c'est aujourd'hui l'économie espagnole qui inquiète le plus. Ce qui peut expliquer l'alarmisme de certains, l'Espagne pesant bien plus lourd que la Grèce en zone euro.

Le fait que la région de Valence en appelle vendredi à l'aide de l'Etat a d'abord mis le feu aux poudres. Signe de tension supplémentaire pour les opérateurs, la quatrième économie de la zone euro s'enfonce dans la récession. Le PIB ibérique s'est ainsi contracté de 0,4% au deuxième trimestre, après un recul de 0,3% sur les trois premiers mois de l'année. Et le gouvernement à repoussé à 2014 l'espoir de sortir de la récession. Car loin de rassurer, le nouveau plan d'austérité de 65 milliards d'euros inquiète par ses effets négatifs sur l'activité.

Sans compter les mouvements sociaux de protestation qui se multiplient. Du coup, les taux de financement du pays se sont envolés, franchissant un nouveau record, depuis la création de la zone euro, sur le marché obligataire, là où s'échangent les titres de dette déjà émis par les Etats. Ceux-ci flirtent avec les 7,5% à échéance dix ans.

Et mardi, c'est la région Catalogne, deuxième d'Espagne en terme de PIB, qui a avoué son intention de faire appel à son tour à Madrid pour recevoir une aide financière. Interrogé par la BBC sur un éventuel appel aux finances de l’État, Andreu Mas-Colell, responsable de l'Economie du gouvernement catalan, a répondu : "Oui. La situation actuelle est que la Catalogne ne dispose pas d'autre banque que le gouvernement espagnol". "C'est la vie. Tout le monde connaît la situation des marchés. Nous avons des contribuables en Espagne et il est normal que nous fassions appel aux services bancaires de la trésorerie espagnole", a-t-il poursuivi. Selon le site d'informations El Confidencial, la région fait face à des échéances de dette de 13,47 milliards d'euros sur l'année 2012 et cumule une dette nette totale de 48 milliards.

Un prêt plus global pour l'Espagne ? Les opérateurs se demandent donc si le pays ne sera pas contraint de demander une aide globale et pas seulement pour ses banques. D'autant plus que le plan de soutien aux banques approuvé vendredi comporte de nombreuses zones d'ombres. Il n'a en effet eu aucune allusion à la supervision bancaire annoncée lors du sommet européen de juin. Et encore moins à une union bancaire, qui permettrait de renflouer les banques européennes sans passer par les Etats. Or dans ce cas, l'aide aux banques va non seulement alourdir la dette publique espagnole, mais aussi son déficit puisque c'est le gouvernement qui va devoir payer les taux d'intérêt des prêts. Selon Madrid, les coûts du financement de la dette espagnole devraient grimper de 9,1 milliards en 2013.

Lire : À quoi ressemble le plan adopté pour l'Espagne?

"La décision de Moody's ne peut qu'alimenter l'inquiétude"

Les marchés s'interrogent aussi sur le soutien des Européens à la Grèce, à la suite notamment d'informations publiées dimanche dans la presse allemande. Le porte-parole du gouvernement ne s'est en effet guère montré rassurant lundi, évoquant le scepticisme de Berlin quant aux chances de voir la Grèce sortir enfin de l'ornière où elle ne cesse de s'enfoncer depuis près de trois ans.

La décision de Moddy's aura-t-elle des conséquences? L'Allemagne tente de se montrer rassurante, suite à l'annonce de l'agence de notation de rabaisser la perspective de la note de sa dette. "Notre pays va continuer d'exercer son rôle d'ancre de stabilité dans la zone euro", a déclaré le ministère allemand des Finances, lundi soir. Soulignant que "l'Allemagne se trouve dans une situation économique et financière solide". Mais les analystes se montrent moins optimistes.

"Le signal est fort car l'agence de notation rappelle à tous les pays européens que leurs liens sont aujourd'hui trop étroits pour permettre à certains d'être épargnés en cas de nouveau choc. Les Européens n'ont plus le choix, ils doivent avancer et rapidement", ont estimé mardi les analystes du Crédit Mutuel-CIC. "Cette décision ne peut qu'alimenter l'inquiétude et la volatilité des marchés", ont renchéri pour leur part les analystes de BNP Paribas.