Un patron à la CGT, ça sert à quoi ?

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ZOOM - Portrait-robot d’un équilibriste représentant les employés et dialoguant avec le patronat.

La crise de succession de Bernard Thibault, qui ébranle la CGT depuis des mois, est proche de son dénouement : la direction a adoubé mardi Thierry Lepaon, ouvrant la voie à sa désignation par le "Parlement" de la centrale début novembre. Mais en quoi consiste la fonction dont il hérite ?

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• Son nom. C’est une tradition des organisations syndicales en France comme au Royaume-Uni. Ce terme est préféré à celui de président pour souligner le fait qu’il n’est que le représentant du syndicat, son coordinateur, son porte-voix.

• Sa désignation. Par un processus plus que complexe qui mêle plusieurs étages (fédérations, unions départementales, etc.). A la fin, il est élu par le Comité confédéral national, le "Parlement" de la CGT. Mais le candidat choisi a d’abord été présélectionné par la direction du syndicat. Jusqu’à la fin des années 1980, c’est le Parti communiste français qui effectuait cette présélection.

• Ses fonctions. "Sa mission est avant tout de diriger la confédération, de coordonner toutes ses composantes et de mettre en œuvre les directions fixées par le Congrès", rappelle Guy Groux, directeur de recherche au Centre de Recherches Politiques de Sciences Po (CEVIPOF). Et ce dernier d’ajouter : "aujourd’hui, le fait que nous soyons de plus en plus dans une démocratie d’opinion fait qu’il occupe aussi une autre fonction, celle d’incarnation : il est le visage de la CGT".

Ses qualités. "Il faut que le secrétaire général soit avant tout un homme de rassemblement car une organisation syndicale n’est jamais une structure monolithique. Elle est composée de différents métiers, de différentes sensibilités, y compris politiques", nuance Guy Groux. "Il faut donc des qualités de coordination ainsi que la capacité à impulser l’action collective". Être un bon orateur et avoir des talents de négociateur sont aussi recommandés pour tenir le rythme des négociations entre partenaires sociaux qui peuvent durer des heures.

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Son casse-tête. Le secrétaire général devra d'abord pacifier le syndicat lui-même, traversé par des tensions internes entre plusieurs courants et fédérations. Ensuite, il devra gérer les négociations sur la compétitivité de l’économie française. Il sera donc question de chômage, de coût du travail, de flexibilité ou encore de pouvoir d’achat : des dossiers sur lesquels le futur secrétaire général est très attendu. S’il représente avant tout la CGT, le premier secrétaire doit néanmoins réussir à rapprocher les points de vue avec le patronat et les pouvoirs publics. Un équilibre précaire lorsqu’on sait que la CGT s’est longtemps voulue plus virulente que la CFDT par exemple.

Mais si la CGT a longtemps été un syndicat de lutte des classes en vue d’instaurer une société socialiste, ce n’est plus le cas : le syndicat a aujourd’hui autant une fonction de protestation que de proposition, tout en prenant garde à ne pas être débordé par sa base. Pour cela, la CGT "consulte ses adhérents avant de conclure un accord. C’est une pratique qu’elle revendique depuis une vingtaine d’années", souligne Guy Groux. 

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Ses illustres prédécesseurs. S’il ne fallait en nommer que trois parmi ceux qui ont laissé leur empreinte, on peut citer Benoît Frachon (1945-1967), Georges Seguy (1967-1982) et Henri Krasucki (1982-1992). "Ces dirigeants étaient portés par un grand parti politique, le parti communiste, et des conjonctures historiques conséquentes : la Résistance puis la Guerre froide, ainsi que les guerres coloniales et le franquisme. Tous ces éléments faisaient que le secrétaire général avait alors un certain poids", rappelle Guy Groux.