Trois questions sur le télétravail, qui séduit de plus en plus salariés et entreprises

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Anaïs Huet , modifié à
Le télétravail est de plus en plus courant en France, selon la ministre du Travail. Mais cette pratique peut-elle convenir à tous les métiers, toutes les entreprises, et tous les salariés ? Europe 1 s'est penché sur la question dans "La France bouge" lundi midi.
LA FRANCE BOUGE

Près de 60% des métiers en France seraient éligibles au télétravail, selon Muriel Pénicaud. Mardi dernier, sur le plateau de BFMTV, la ministre du Travail a indiqué que cette pratique professionnelle avait augmenté de 25% en un an, avec plus de 703 accords d'entreprises signés en 2018 contre 560 l'année dernière.

Un bon signal pour la ministre qui, par ordonnances l'an dernier, a réformé le Code du travail en simplifiant l'accès au télétravail pour les entreprises et salariés. Quelles sont les conditions à remplir pour travailler depuis la maison ? Et ce mode de fonctionnement convient-il à tout le monde ? Avec La France bouge, Europe 1 répond à vos questions.

>> De 13h à 14h, La France bouge avec Raphaëlle Duchemin sur Europe 1. Retrouvez le replay de l’émission ici

Comment savoir si vous pouvez faire du télétravail ?

Avant la loi de ratification des ordonnances (publiée au Journal officiel le 31 mars dernier), le télétravail était particulièrement encadré. Sa pratique régulière devait figurer dans le contrat de travail. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Et désormais, le législateur ne fait plus de distinguo explicite entre télétravail régulier et occasionnel. 

Aujourd'hui, chaque entreprise est invitée à encadrer cette pratique via un accord collectif ou une charte spécifique, mais ce n'est pas une obligation formelle, dès lors que le télétravail a été formalisé. En clair, un simple échange de mails entre employeur et salarié peut suffire juridiquement.

Le télétravail, est-ce pour toutes les personnalités ?

Il y a une quinzaine d'années, Jean-François Rial, président Voyageurs du Monde, a développé le télétravail dans son entreprise. Très emballé à ses débuts, il regarde aujourd'hui la pratique avec mesure. Il s'en explique au micro de Raphaëlle Duchemin. "J'ai eu des collaborateurs en télétravail qui se sont effondrés en termes de qualité de travail, parce que le manque de socialisation et de contact avec les entreprises les a tués. Et d'autres, à qui il faut donner une quote-part de télétravail pour leur permettre de s'aérer et d'être plus productif", analyse-t-il.

"La clé, c'est que la personne soit très impliquée dans l'entreprise. Elle va être plus productive pendant le temps où elle sera en télétravail, car elle ne sera pas dérangée. Mais pour celui qui est moyennement motivé dans son entreprise, le télétravail va le conduire au fond du trou", prévient Jean-François Rial.

Même constat pour Clément Roucher, directeur associé de Greenworking, un cabinet justement spécialisé dans le télétravail. Selon lui, l'un des risques pour certains est de s'égarer et de perdre en productivité. "Il faut bien se connaître pour être en télétravail, car c'est le règne des 'auto' : il faut s'auto-motiver, s'auto-réguler…"

 

"Le risque aujourd'hui, c'est de faire trop de télétravail. La situation idéale est un mélange des deux : être au bureau, et à la maison de temps en temps. Appliquer le télétravail à tous les métiers et tout le temps, c'est complètement idiot", considère Jean-François Rial. D'ailleurs, selon une étude menée par le groupe Malakoff Médéric, début 2018, 65% des personnes interrogées estiment que le télétravail pourrait augmenter le risque de perte du lien social. 

Qu'est-ce qui bloque encore la généralisation de cette pratique ?

"Le fait que la part du télétravail augmente ne signifie pas que tous les métiers sont prêts à s'y mettre maintenant", souligne Clément Roucher. Le patron de Greenworking explique que de "nombreuses barrières à la généralisation de cette pratique existent", à commencer par des freins technologiques et de confidentialité pour les entreprises concernées.

Mais selon le spécialiste, "la principale réticence est clairement managériale. Elle repose sur le fait qu'être au travail, c'est être là, les yeux dans les yeux, et partager le même environnement de travail. C'est aussi l'illusion du contrôle présentiel : 'parce que je suis au bureau, je vais pouvoir contrôler mes collaborateurs'". Et de conclure : "Fort heureusement, ces considérations managériales tendent à évoluer."