Travail du dimanche : la dérogation pour l'ameublement injustifiée ?

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Alexis Toulon , modifié à
ZOOM - Le rapport Bailly remis lundi préconise de revenir sur la dérogation permanente accordée au secteur de l'ameublement.

L’autorisation faite aux commerces d’ouvrir le dimanche repose sur deux logiques : la dérogation de plein droit et la dérogation temporaire. La première concerne notamment les commerces alimentaires, les fleuristes, les marchands de presse, les commerces de détail situés dans une commune ou zone touristique... et les secteurs d’ameublement. Particularité : l’entreprise n’est pas légalement obligée de compenser financièrement ses employés. La seconde doit être sollicitée auprès d’une autorité administrative dans un cadre très précis, comme une ouverture exceptionnelle lors des fêtes de fin d’année.

Le rapport Bailly sur le travail dominical, rendu au gouvernement lundi, prévoit un scénario pour réformer le travail du dimanche. Clé de voute du changement : la suppression de la dérogation permanente accordée aux magasins d’ameublement.

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Une définition sectorielle bancale. L’ameublement bénéficie d’un amendement à loi sur le développement de la concurrence au service des consommateurs depuis 2008. Or, le rapport s’interroge sur la frontière entre un magasin d’ameublement et un magasin qui vend de l’équipement de cuisine et de l’électroménager. Dans quelle catégorie rentre-t-il ? Par exemple, Ikea ne vend pas que des meubles, mais est ouvert le dimanche. La réponse à cette question modifie profondément son rapport à la loi, tant pour la rémunération des salariés, que par sa possibilité d’ouvrir le dimanche.

Une distorsion de la concurrence. Le magasin de meubles qui vend des appareils ménagers, de l’épicerie et les outils pour monter ses achats se retrouve en position de force par rapport à des magasins plus spécialisés. Si une enseigne peut ouvrir tous les jours de la semaine, sans surcoût social, elle se trouve favorisée par rapport à celle, souvent proche géographiquement, qui ne bénéficie pas de la dérogation.

Beaucoup d’enseignes ouvertes le dimanche se trouvent dans des zones d’activités. Celles qui ont le droit de commercer peuvent donc attirer les clients sans craindre une promotion de leurs voisins, et bénéficient d’une position dominante. Par exemple, en Ile-de-France, le centre commercial Val d’Europe est fermé le dimanche, mais une partie des magasins est située en zone touristique avec Euro Disney, et Castorama est ouvert sur la base d’une autorisation préfectorale individuelle. Leurs concurrents voient donc leur clientèle se rabattre chez le voisin, avec la bénédiction de la loi. Autre point, l’absence de concurrence se fait donc au détriment du consommateur.

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Ouvrir le dimanche n’est pas rentable partout. Seuls les magasins d’ameublement d’Ile-de-France ouvrent le dimanche, les autres ont estimé qu’une ouverture dominicale n’était pas rentable en dehors de certaines périodes de l’année très spécifiques. Ainsi, 59 départements ont demandé un arrêté de fermeture (qui évite l’ouverture le dimanche, alors qu’ils y ont le droit) et pour ceux qui ne l’ont pas (hors départements franciliens), la règle est à la non-ouverture.

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La vocation dominicale. Un magasin ouvert le dimanche est là pour satisfaire une demande des consommateurs, analyse le rapport. Or le week end, les gens ont plus besoin de biens culturels, sportifs ou de bricolages que de meubles. La preuve : 80% des Français sont pour que le gouvernement autorise les magasins de bricolage à ouvrir le dimanche (CSA pour Les Échos-Institut Montaigne, 3 octobre 2013). Donc la dérogation uniquement accordée aux magasins d’ameublement ne se justifie pas… ou alors il faudrait l’étendre à d’autres secteurs. Mais où trouver la limite pour que le dimanche ne deviennent pas un jour comme les autres ?

Le rapport veut donc remettre à plat le système… sans le changer en profondeur. Le rapport souhaite supprimer les quatre causes qui font que le travail du dimanche est devenu polémique. Il insiste ainsi sur la dérogation permanente accordée au secteur de l’ameublement, la régularisation de pratiques d’ouverture illégale (comme Leroy Merlin ou Castorama), la redéfinition des zones touristiques (pour éviter qu’un magasin soit fermé alors que celui d’en face est ouvert) et enfin les différences de traitement social des salariés.

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