Taxe à 75% : Hollande "résolu et pragmatique"

La très symbolique taxe de 75% sur les très hauts revenus n'est pas encore définie précisément, certains redoutent une version très allégée.
La très symbolique taxe de 75% sur les très hauts revenus n'est pas encore définie précisément, certains redoutent une version très allégée. © MAXPPP
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avec Camille Langlade , modifié à
Soupçonné de vouloir faire des aménagements, le président a promis de tenir ses "engagements".

Promesse emblématique de la campagne électorale du candidat Hollande, la taxe à 75% est redoutée par certains mais très attendue par beaucoup. Sauf qu’en envisageant de nombreuses exonérations, le gouvernement risque de vider ce projet de sa substance, s’attirant les critiques de nombreux élus, notamment aux extrêmes.

"J'ai pris des engagements et ils seront tenus", a tenu à répéter vendredi en fin de journée le chef de l’État. "Il va y avoir des appels à la solidarité, il est normal que ce soient les hauts revenus qui contribuent davantage", a-t-il insisté. Mais sur le fond du dossier, les contours de la réforme restent flous.

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© REUTERS

Des "ajustements" en préparation ?

Lorsqu’il a présenté sa proposition durant la campagne, le candidat Hollande a indiqué vouloir taxer à 75% la part des revenus supérieure à un million d'euros annuels. Dans l'entourage du chef de l’État, on avance toujours le chiffre d'un millions d'euros par foyer fiscal pour être taxé. Tout en précisant que la décision n'est pas encore tranchée.

"Nous sommes résolus et pragmatiques", assure un conseiller contacté par Europe 1. Sauf que, à en croire la presse de vendredi, les dérogations s’accumulent à mesure que le projet de taxe se précise. Résultat, la taxe à 75% ne concernerait in fine plus qu’un millier de foyers sur 35 millions, la rendant bien plus symbolique qu’efficace.

Europe1.fr vous liste les principaux aménagements envisagés :
• le seuil pourrait passer à 2 millions d’euros annuels pour les couples dans lesquels un conjoint ne travaille pas, rapporte Le Figaro.
• la CSG et la CRDS pourraient être inclus dans les 75%, ce qui ferait baisser la taxe à 67%, rapporte Les Echos.
• les revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values) ne seraient pas pris en compte. Cela doit permettre d’épargner les patrons qui vendent leur entreprise et de ne pas dissuader l’investissement. Problème: une telle dérogation profiterait aussi aux cadres et grands patrons.
• les sportifs et les artistes ne seraient pas tous concernés au motif que leurs revenus peuvent être aussi exceptionnels qu’irréguliers.
• la mesure ne serait valable que deux ans, et non jusqu'au rétablissement des finances publiques annoncé pour 2017, rapporte Libération.

Le gouvernement assure garder le cap

Michel Sapin, député PS.

© EUROPE1

Sentant venir l’avalanche de critiques, le ministre du Travail Michel Sapin a tenu à marteler vendredi que "nous faisons ce que nous disions pendant la campagne". Cette promesse de campagne sera "strictement respectée", a renchéri vendredi midi le ministre de l’Économie Pierre Moscovici, avant d'ajouter, catégorique : "toute autre interprétation est sans fondement".

Candidat à la succession de Martine Aubry à la tête du PS, Jean-Christophe Cambadélis s’est, lui, montré moins catégorique. "Il ne faut pas s'enfermer dans les schémas, il faut sortir de la crise", a souligné le député, avant d’évoquer des "aménagements" qui ne sont pas un "renoncement".

Déjà un concert de critiques

Seule certitude, plusieurs partis politiques s’inquiètent déjà d’un possible revirement. "Ce renoncement, s'il était vérifié, serait une très mauvaise surprise. Non content que cette taxe ainsi transformée ne rapporte plus grand-chose aux recettes de l'Etat, elle envoie un signe désastreux à l'électorat de gauche", a ainsi prévenu vendredi le parti communiste.

Olivier Besancenot

© Reuters

Plus à gauche, Olivier Besancenot s’est déclaré "pas surpris" que le gouvernement puisse renoncer à son projet initial. "Je me souviens que quand Hollande avait fait son annonce pendant la campagne, on avait dit : tiens, le PS revient un peu sur le terrain de la fiscalité anti-capitaliste - il était temps", a souligné l’égérie du Nouveau Parti Anticapitaliste, avant d’ajouter : "mais tout de suite après, étaient venus s'engouffrer Fabius et compagnie pour nous dire que ce serait dérogatoire", juste "le temps de la crise".

A l’autre extrême de l’échiquier politique, le Front national ne se fait, lui, aucune illusion. "S'il se confirme, le détricotage de la promesse phare du candidat Hollande ne sera une surprise pour personne", a réagi Marine Le Pen. Et le FN, qui ne s’est pourtant pas illustré par ses projets de réduction des inégalités, d’ajouter : "Marine Le Pen avait prévenu pendant la campagne présidentielle: le PS est trop intimement lié à la grande finance et au monde du spectacle pour appliquer une telle mesure".

"J'espère qu'il ne va pas pas taxer uniquement ceux qui travaillent dans les entreprises, même s'ils gagnent plus d'un million d'euros. Ce serait donner une mauvaise image de notre pays dans les milieux économiques. Ce qui me choquerait, et cela semble être envisagé, c'est qu'on exonère les loisirs, les artistes ou les sportifs et que l'on taxe les entreprises. Dans quel pays vivrait-on, ce serait aberrant", s'inquiète, enfin, Gilles Carrez, président UMP de la Commission des Finances à l'Assemblée, samedi sur Europe 1.