Suppression de la taxe d'habitation : "C'est une nouvelle charge que nous impose l'Etat"

© FRED TANNEAU / AFP
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Carole Ferry et Nathalie Chevance, édité par R.Da. , modifié à
Alors que s'ouvre mardi leur congrès, les maires de France s'inquiètent pour l'équilibre du budget de leur commune, notamment à cause de la suppression d'ici trois ans de la taxe d'habitation pour 80% des foyers.

Le Congrès des maires s'ouvre mardi sur front de grogne face à la politique économique du gouvernement. Pour l'exécutif, cette rencontre s'annonce d'autant plus délicate que La République en marche! n'a pas de maires. Difficile donc pour la majorité de s'assurer un soutien alors que les économies demandées aux collectivités territoriales, couplées à à la fin des contrats aidés et à la suppression de la taxe d'habitation, font monter l'inquiétude et la colère des édiles.

"Une nouvelle charge". Si la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des ménages d'ici trois ans est une bonne nouvelle pour les contribuables, elle constitue un nouveau casse-tête pour le budget des communes. "Il y a une grosse inquiétude parce que c'est une nouvelle charge que nous impose l'Etat après la baisse des dotations ces trois dernière années", explique auprès d'Europe 1 Yves Moraine, maire Les Républicains du quatrième secteur de Marseille. "Evidemment, on nous dit qu'il va y avoir une compensation à l'euro près, mais ça ne va être que la première année. Ensuite, l'Etat n'augmentera pas la compensation et l'on a peur que se crée un effet de ciseau qui mette les finances de la ville dans de grandes difficultés", pointe-t-il.

 

Une rupture de l'égalité face à l'impôt. Face à cette situation, Yves Moraine n'hésite pas à sonner la charge contre la politique fiscale du gouvernement, qu'il estime inégale. "Encore une fois, l'Etat va se décharger sur les collectivités territoriales d'économies que lui ne fait pas. Ça nous inquiète. Ce qui nous inquiète aussi, c'est une rupture de l'égalité des citoyens devant l'impôt. La taxe d'habitation, ça n'est pas seulement quelque chose à payer, ce sont des crèches, des terrains de sport, des piscines, des travaux dans les écoles, etc. Quand ce poids va peser sur une toute petite partie de la population, nous considérons que cela n'est pas très juste, pas très équitable".

" Ça n'est pas une paille, c'est extrêmement important "

"C'est l'équivalent de deux crèches". En région parisienne, à Ivry-sur-Seine, l'inquiétude du maire communiste Philippe Bouyssou est également palpable ; sa commune de 60.000 habitants doit déjà faire face à un taux de chômage de 16%. D'après les calculs de cet élu, ce sont près de 20 millions d'euros, soit 15% de son budget, qui vont disparaître d'ici trois ans. "C'est l'équivalent de deux crèches, et c'est un peu près l'équivalent du budget de fonctionnement annuel des écoles", compare-t-il. "Dans un budget comme le nôtre ça n'est pas une paille, c'est extrêmement important".

Une augmentation de la taxe foncière ? Et si Emmanuel Macron a promis de compenser le manque à gagner, Philippe Bouyssou, comme Yves Moraine, ne croit pas que ce soutien se fasse sur le long terme. "La réduction de la première année, sans doute que l'Etat la compensera mais les années suivantes, ça deviendra une variable d'ajustement, j'en suis pratiquement sûr. On a subi la même chose avec la taxe professionnelle il y a plusieurs années. Au fur et à mesure que les années passent, les compensations fondent comme neige au soleil". Et si les compensions baissent, et bien le maire ne voit qu'un levier à actionner pour garder un budget a l'équilibre : il devra augmenter la taxe foncière payée par les propriétaires qui représentent un tiers des habitants d'Ivry-sur-Seine.