Succès de la rupture de CDI à l’amiable

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avec Fabien Cazeaux (et AFP) , modifié à
Ni une démission, ni un licenciement, cette procédure séduit beaucoup, même un peu trop.

Pouvoir quitter son emploi tout en touchant ses indemnités chômage, c’est la possibilité qu’offrent les ruptures conventionnelles de CDI "amiables". Créées il y a deux ans, elles se sont installées dans le monde du travail, mais elles n'empêchent ni des détournements, ni des litiges. En net essor depuis l'application en juillet 2008 de la loi de modernisation du marché du travail, ce dispositif, différent du licenciement et de la démission, semble avoir atteint un régime de croisière avec 18.000 à 20.000 homologations chaque mois par l'administration.

8% des sorties de CDI à l’amiable

Plus de 320.000 ruptures conventionnelles ont été conclues au total, selon des chiffres du ministère du Travail de fin mai. La simplicité de la procédure, la possibilité pour le salarié de pouvoir bénéficier d'une indemnité au moins équivalente à l'indemnité de licenciement, ainsi que d'accéder aux allocations chômage, ont contribué à ce développement.

Bruno, responsable administratif de 52 ans, n'a pas digéré le remplacement des dirigeants de sa société l'an dernier. Il a préféré partir, en négociant son départ.

"Ca valait mieux pour tout le monde", explique-t-il :

Surtout utilisé dans les petits établissements, notamment du commerce, ce nouveau mode de rupture représente un peu moins de 8% des sorties de CDI (démissions 56%, licenciements 37%). Issue d'un accord entre le patronat et quatre syndicats, la rupture "d'un commun accord" devait "éviter les faux licenciements, pour lesquels on inventait des fautes", rappelle le directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle.

Mais les syndicats et les juristes sont inquiets. La crise a nourri les craintes que cet instrument soit détourné par les entreprises pour supprimer des emplois, notamment de seniors, au lieu de faire des plans sociaux plus coûteux et complexes.

Détourné pour éviter le plan social

Chez IBM, 12 ruptures conventionnelles ont été invalidées par l'administration fin 2009, au motif que ce dispositif ne peut contourner un plan social. La CFDT avait reproché au groupe informatique de cibler les salariés "aux environs de la soixantaine, qui bénéficieront du chômage jusqu'à l'âge de la retraite".

"Les ruptures conventionnelles, comme les licenciements, concernent plus souvent les seniors", dans un cas sur cinq, observe le gouvernement. Le numéro deux de la CFDT, Marcel Grignard, salue le passage "d'un système complètement opaque à un système encadré", mais reconnaît "des abus", au sujet desquels la centrale a écrit au gouvernement pour demander "une réunion des partenaires sociaux" et voir "comment corriger".

Pour le directeur général du Travail, s'il "peut y avoir des dérives dans telle ou telle entreprise", le système, "cadré", "protège les droits des salariés", et l'administration reste "vigilante". Alors que le dispositif devait réduire les poursuites judiciaires envers les employeurs, des premiers jugements ont annulé des ruptures, requalifiées en licenciements. C'est "un nid de contentieux", selon l'avocat Richard Sintes, qui alerte les directions sur des salariés voulant partir et pouvant aussi "abuser l'assurance chômage".