Société générale : faut-il craindre des déserts bancaires ?

© DAMIEN MEYER / AFP
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La banque va fermer 20% de ses agences sur cinq ans. Cette annonce, loin d’être isolée, préfigure un mouvement de grande ampleur.

Après des mois de rumeurs, la Société générale a officialisé sa décision. La banque va fermer 20% de ses agences et supprimer environ 2.000 postes dans les années à venir. Cette importante réorganisation est pourtant loin d’être un cas isolé. En effet, depuis plusieurs années, le nombre d’agences bancaires ne cesse de diminuer en France et en Europe. Mais alors, faut-il craindre l’apparition de déserts bancaires ?

Un tiers des agences menacé de fermeture. Avec près de 38.000 agences, la France possède un des réseaux bancaires les plus denses de l’Union Européenne. En effet, on dénombre 581 établissements pour 1 million d’habitants, selon les statistiques de la Banque centrale européenne d’août 2014. Mais depuis 2011, un peu moins d’un millier d’agences ont fermé leurs portes sur l’ensemble du territoire. Ce mouvement de baisse, qui touche l’ensemble du secteur en Europe, est même appelé à s’accentuer dans les années à venir. Outre la Société générale, le Crédit agricole a fermé 50 de ses 325 agences en Ile-de-France, et le Crédit lyonnais prévoit de supprimer 1.000 postes d’ici 2018.

"On atteint un maximum. Or, de moins en moins de Français fréquentent ces agences. Avec le développement d’internet et des comptes en ligne, les relations avec les banques sont de plus en plus dématérialisées", analyse Philippe Crevel, économiste et directeur du Cercle de l’Epargne, contacté par Europe 1. Près d’un quart des Français (24%) n’utilisent ainsi plus les services de leur agence, contre 14% en 2014, selon une étude publiée en septembre par le cabinet Deloitte. En dix ans, la fréquentation des agences a de surcroît baissé de 5%, selon le Journal du dimanche, en juin dernier. Plusieurs dirigeants de banques, interrogés par l'hebdomadaire, jugent même la fermeture d'un tiers d'entre elles "tout à fait réaliste" dans les cinq ans.

La crainte de déserts bancaires. Si l’ensemble du territoire est impacté par ces fermetures successives, il existe d’importantes inégalités entre le monde rural et les grandes villes. "Il y a une surdensification dans les métropoles régionales, et encore plus à Paris. On constate un déséquilibre de l’offre bancaire, en défaveur des personnes les moins riches et du monde rural", s’alarme Serge Maître, président de l’Afub, l’association française des usagers des banques, contacté par Europe 1. L’annonce de la Société générale fait ainsi craindre l’apparition de réels déserts bancaires. "En Corse, à Bonifacio, il n’y aura plus aucun guichet si la Société générale ferme. Il faudra alors faire au moins une heure de route pour se rendre à l’agence la plus proche. La seule présence bancaire se résume souvent à un distributeur et à la Banque Postale", assure Serge Maître.

Mais ces deux services, essentiels dans les milieux ruraux, sont eux aussi menacés à terme. Après avoir doublé en dix ans, le parc de distributeurs automatiques de billets (DAB) est en train de stagner, relevait les Echos en septembre. "Les DAB ont besoin d’un nombre d’opérations suffisantes pour être rentables. On ne va pas en ouvrir en plein milieu du Larzac, par exemple", explique l’économiste Philippe Crevel. La Banque Postale, quant à elle, doit faire face aux difficultés financières de la Poste, tout en essayant de maintenir sa présence sur une large part du territoire.

Des agences de moins en moins sollicitées. Les agences doivent aussi affronter l’essor des comptes et des services en ligne. "Les relations avec les banques vont se réduire, car tout sera dématérialisé. Les chèques vont disparaître, et il y aura moins de paiements en espèces. On va aussi davantage payer avec son téléphone", prédit Philippe Crevel. Conséquence directe de cette évolution numérique, "seuls les services à forte valeur ajoutée, comme les prêts, nécessiteront des conseils en banque." Une affluence en berne, un terrain de jeu réduit : pas de doute, les agences bancaires auront de plus en plus de mal à jouer à guichets fermés dans les années à venir.