SNCF : entre Édouard Philippe et les syndicats, une rencontre décisive

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Édouard Philippe a déjà reçu les syndicats de la SNCF à Matignon le 7 mai. © CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / POOL / AFP
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avec Aurélien Fleurot , modifié à
Quinze jours après leur première rencontre, Édouard Philippe a de nouveau rendez-vous avec les syndicats de la SNCF à Matignon vendredi. Objectif : trouver une sortie de crise avec la dette comme levier.

Deuxième et dernière ? L’intersyndicale de la SNCF est reçue vendredi par Édouard Philippe pour une nouvelle séance de négociations sur le pacte ferroviaire. Au menu : la reprise de la dette et le volet social de la réforme, deux sujets déjà évoqués lors du premier rendez-vous à Matignon le 7 mai mais qui n’ont guère avancé depuis. Deux mois après le début de la grève, les deux camps restent toujours sur leurs positions. Même l’Unsa et la CFDT, qui ont fait des propositions d’amendements retenues par le gouvernement, ne considèrent pas la reprise partielle de la dette comme un argument suffisant pour arrêter la mobilisation.

Les syndicats revigorés. "Aujourd’hui, on est confronté à un brouillard." Avant de se rendre à Matignon, Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots, a donné le ton. Revigorés par le plébiscite de leur "vot’action" contre le pacte ferroviaire, les syndicats de cheminots attendent des réponses de la part d’Édouard Philippe. "On demande de vraies négociations, qu’on rentre enfin dans un système où le gouvernement écrit un texte, où les organisations syndicales proposent leurs revendications, où le texte évolue en fonction des analyses de chacun et qu’on puisse ainsi avancer ensemble", a réclamé Laurent Brun lors d’une conférence de presse.

La reprise de la dette suffira-t-elle ? Face à ces revendications, quel sera l’état d’esprit d’Édouard Philippe ? Le rapporteur du projet de réforme ferroviaire Jean-Baptiste Djebbari a indiqué jeudi, sur LCP, que le Premier ministre fera des annonces "de nature à rassurer les cheminots", qui ont eu "un sentiment fort de 'cheminot bashing'". Le chef du gouvernement est notamment attendu au tournant sur la question de la reprise de la dette. Selon Jean-Baptiste Djebbari, il présentera aux cheminots un plan pour reprendre "entre 30 et 35 milliards d'euros", sur les 55 milliards cumulés par la SNCF (47 milliards pour SNCF Réseau et 8 milliards pour SNCF Mobilités). Selon les Échos, cette reprise se fera en deux temps, en 2020 puis en 2022.

" Il faut aller plus loin, obtenir quelque chose de palpable pour les salariés "

Un tel montant serait insuffisant aux yeux des syndicats, notamment pour la CGT-Cheminots. "Cette dette publique devrait être intégralement reprise", a réclamé Laurent Brun mercredi. Pour faire passer la pilule, Édouard Philippe devrait donc ajouter des investissements supplémentaires dans la balance. Le montant des investissements prévus n'est "pas encore tout à fait arbitré", d'après Jean-Baptise Djebbari, mais ceux-ci devraient concerner "l'infrastructure : le réseau, le fret, les voies, la signalisation", a détaillé le rapporteur du projet de loi.

Les syndicats réformistes ont fait un pas en avant. Le Premier ministre pourrait ainsi convaincre une partie des syndicats, notamment la CFDT, dans le camp des réformistes. "Il y aura des annonces sur la dette mais nous avons de grosses attentes sur le financement du ferroviaire. Ce n’est pas le tout de désendetter : demain, comment le ferroviaire peut vivre et survivre, surtout avec l’ouverture à la concurrence ?", souligne au micro d’Europe 1 Olivier Boissou, secrétaire général adjoint de la CFDT-Cheminots. "Il y a des discussions, des avancées depuis le départ : la mobilisation a permis d’ouvrir des portes et d’éviter des ordonnances. Mais il faut aller plus loin, obtenir quelque chose de palpable et mesurable pour les salariés", ajoute-t-il.

Édouard Philippe pourra aussi s’appuyer sur l’arrivée du pacte ferroviaire en commission au Sénat cette semaine, épaissi par les amendements proposés par l’Unsa et la CFDT. "Certains amendements sont de nature à nous rassurer, notamment les questions particulières sur le transfert des personnels et la notion de volontariat. L’unicité du groupe public ferroviaire, qui permet de garder une unique enveloppe sociale, nous tient aussi à cœur", concède Roger Dillenseger, secrétaire général de l’Unsa Ferroviaire. "Maintenant, on est loin du compte, il y a encore beaucoup de choses qui doivent avancer", prévient-il au micro d’Europe 1.

" Si le gouvernement fait traîner, on repartira pour deux, trois, quatre semaines… "

Un dialogue franc attendu. Si le fond est essentiel, la forme revêt aussi une grande importance aux yeux des syndicats qui reprochent au gouvernement l’absence de dialogue. "Des accords, l’Unsa en a signé plus d’un. Mais à l’heure actuelle, les négociations sur le fond n’ont même pas démarré. La question de savoir si nous signerions un accord se posera le jour où un texte nous sera soumis", tranche Roger Dillenseger. "Les négociations ont beaucoup de mal à démarrer", appuie Olivier Boissou, selon qui les syndicats, unis malgré quelques divergences, "porteront un message collectif, unitaire au Premier ministre, sur les demandes spécifiques que nous ferons pour la suite dans le cadre des véritables négociations".

La réunion de vendredi pourrait donc être décisive. Soit Édouard Philippe parvient à convaincre un ou plusieurs syndicats, ce qui porterait un coup la mobilisation des cheminots. Soit les grévistes ressortent de Matignon sans avoir obtenu quoi que ce soit et le combat repartirait de plus belle, prévient Laurent Brun. "Le gouvernement peut parfaitement faire le choix du pourrissement du conflit. Les cheminots ont prouvé à de nombreuses reprises qu’ils sont déterminés à continuer la grève donc, malheureusement, si le gouvernement fait traîner le dossier, on repartira pour deux, trois, quatre semaines, ou plus si besoin", avertit le patron de la CGT-Cheminots. "C’est regrettable car les usagers, eux, aimeraient bien en sortir."