Retraites : une mobilisation limitée

La mobilisation de mardi contre la réforme des retraites n'empêche personne de dormir au gouvernement.
La mobilisation de mardi contre la réforme des retraites n'empêche personne de dormir au gouvernement. © MAXPPP
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155.000 personnes ont défilé mardi selon la police. 370.000 selon la CGT. Pourquoi cette mobilisation en mode mineur ?

Le rendez-vous. La mobilisation de mardi contre la réforme des retraites ne devrait empêcher personne de dormir au gouvernement. D'après les chiffres communiqués par la police en fin d'après-midi, 155.000 manifestants ont formé 170 rassemblements en France. Les syndicats évoquent de leur côté 370.000 manifestants. L'ampleur reste ainsi comparable aux manifestations contre la réforme du travail le 5 mars dernier, "un chiffre honorable, mais loin d'être susceptible de faire bouger les choses", anticipait dès vendredi l'éditorialiste d'Europe1, Caroline Roux.

>> Pourtant, il y a tout juste trois ans, la réforme des retraites du gouvernement Fillon rassemblait des millions de manifestants. Comment expliquer cette démobilisation en 2013 ?

absentéisme au travail, entreprise

"De la dépression mais pas d'explosion". Selon un sondage CSA pour l'Humanité publié lundi, 69% des Français estiment que "le gouvernement ne va pas dans la bonne direction" avec cette réforme à venir. Mais selon les spécialistes, ce désaccord ne s'exprimera pas dans la rue. "Il y a une forme de fatalité présente dans le monde du travail, de lourdeur. On se rend compte que le climat économique est morose et cela entraîne de la résignation. Il y a de la dépression mais pas d'explosion", décrypte ainsi pour Europe1.fr Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail.

>> Lire aussi : réforme des retraites, ce qui est acquis et ce qui l'est moins

"Les gens commencent à réagir, mais pas dans la rue. Cela se traduit par exemple par l'augmentation de l'absentéisme dans les entreprises", renchérit l'expert. "L'opinion apparaît désabusée, comme si elle avait intégré le fait que le changement, ce n'est pas maintenant. Personne ne s'attend à une forte mobilisation", estime également Jean-Marie Pernot, chercheur et auteur de Syndicats, lendemains de crise, interviewé par Les Echos.

Pas de mot d'ordre clair. Pour Caroline Roux, cette manifestation, contrairement à celle de 2010, n'a par ailleurs "pas de mot d'ordre clair". "Les syndicats ne demandent pas le retrait de la réforme. Il y a plusieurs thèmes affiliés à la mobilisation (emploi, pouvoir d'achat, retraite), ce qui prouve qu'un seul ne suffit pas à mobiliser", analyse-t-elle. "Ca fait un peu catalogue de la Redoute", regrette également un cheminot interrogé par Europe1 lundi matin, et qui n'ira pas manifester pour cette raison.

>> Pour Caroline Roux, le risque d'explosion est ailleurs, dans les banlieues par exemple, et il dépasse le  cadre de la réforme des retraites. Pour réécouter son édito, c'est ici :

 

Les syndicats ont changé... Pour Bernard Vivier, les syndicats ont également pris conscience aujourd'hui de la nécessité d'une réforme. "Déjà en 2010, ils avaient plus ou moins laissé faire. Sinon ils auraient complètement appelé à bloquer le pays, comme en 1995. Ils sont attachés au système de retraite par répartition et veulent le préserver", décrypte le spécialiste. Une donne à laquelle il faut ajouter la division des centrales syndicales, selon Jean-Marie Pernot. "Les syndicats sont plus divisés que jamais. La CGT, qui critique la surdité du gouvernement, teste le mouvement. La CFDT, dont François Hollande est très proche idéologiquement, a choisi une stratégie de lobbying. FO est dans une position centrale, attachée à la négociation et tentée par la mobilisation", détaille l'expert dans Les Echos

conférence sociale hollande ayrault

© Reuters

… La méthode du gouvernement aussi. D'après Bernard Vicier, si la situation n'explose pas, c'est aussi grâce à une "tactique gouvernementale astucieuse". "Contrairement à l'exécutif précédent, qui revendiquait une véritable fracture, celui-ci distille les mesures de la réforme au compte goutte, et essaie de ne froisser personne", analyse le spécialiste. Résultat, comme personne n'est véritablement attaqué frontalement, la colère sociale sera moins vive. Et il y a un dernier "petit paramètre", enfin, qui vient expliquer cette faible mobilisation anticipée :  "ce n'est vraiment pas l'essentiel, mais c'est vrai que les syndicats ont tendance à moins abimer la gauche que la droite".