Renault : des ratages de communication à tous les étages ?

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© FABRICE COFFRINI / AFP
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RETOUR SUR - L’annonce jeudi de perquisitions sur plusieurs sites du groupe automobile a été gérée de manière discutable, aggravant la confusion dans le dossier des normes antipollution.

Une action qui dévisse de 20% en à peine une heure, la révélation de descentes de la répression des fraudes (DGCCRF) sur plusieurs sites du groupe, l’annonce d’un non-respect des normes antipollution : le constructeur automobile Renault a vécu jeudi une journée cauchemardesque.  Pourtant, cet épisode et son impact médiatique auraient pu être mieux gérés si les approximations en termes de communication ne s’étaient pas multipliées à tous les étages.

Au niveau des syndicats. Tout est parti d’un bulletin interne de la CGT, qui contenait un encadré évoquant plusieurs descentes de la DGCCRF et se demandant s’il y avait un lien avec la question des normes antipollution. Dans un secteur automobile très marqué par le scandale Volkswagen et son logiciel fraudeur, de telles informations sont plus que sensibles et doivent être maniées avec précaution.

Ce que le secrétaire général du syndicat Force Ouvrière n’a pas manqué de souligner, vendredi matin sur Public Sénat et Sud Radio. "C'est une opération qui est vraiment prématurée. On ne doit pas lancer comme ça en pâture des éléments qui ne sont pas encore complètement fondés", a déclaré Jean-Claude Mailly, avant de poursuivre : "il y a eu des perquisitions par les services de l'État, la DGCCRF, on n'a pas les résultats, et de balancer, comme ça, ex abrupto, eh bien, on en voit les conséquences tout de suite : une fragilisation, même si ce n'est que l'action, mais quelles en seront les conséquences sur l'entreprise en tant que telle?"

Accusée d’avoir dégainé un peu trop vite, la coordination CGT de Renault a de son côté dénoncé un "emballement médiatique" et souligné que son bulletin était surtout consacré aux conditions de travail sur le site de Lardy. Les délégués syndicaux CGT ne pouvaient cependant pas ignorer l’effet que pouvait avoir de telles informations.

Au niveau de la direction. La gestion de cet épisode par la direction pose également question. Informée de ces descentes, la CGT a logiquement demandé des explications à la direction du groupe. Visiblement sans obtenir de réponse : "plutôt que d’informer les salariés qui ont assisté à l’intervention des agents ou ceux qui travaillent aujourd’hui sur ces sujets brûlants, la direction préfère visiblement travailler sur sa com’ auprès des grands médias", précise le bulletin syndical.

Ce qu’a confirmé l’un des auteurs de ce texte au micro d’Europe 1 : "On a juste informé les salariés de ce qui se passait, la responsabilité, elle est du côté des dirigeants. La direction n’a pas communiqué sur la situation, sur le pourquoi de cette perquisition. Sur le moment rien, et pendant une semaine rien du tout", a déclaré Florent Grimaldi, secrétaire général de la CGT  sur le site de Lardy.  

Alors que le bulletin de la CGT a été distribué mercredi, la direction du groupe ne sort finalement de son silence que jeudi à 13h20, deux heures après que le cours de l’action Renault ait sévèrement décroché. Pour finalement souligner que la commission Royal, chargée d’enquêter sur le respect des normes antipollution par les constructeurs français, n’a trouvé chez Renault aucun logiciel truqueur similaire à celui de Volkswagen. La descente de la DGCCRF est alors présentée comme une simple vérification de cette "bonne nouvelle". Une manière de tourner la page rapidement, sauf que la direction oublie au passage d’évoquer le fait qu’un de ses modèles ne respecte pas les normes, comme cela est finalement annoncé quelques heures plus tard.

Au niveau du gouvernement. A 17 heures, Ségolène Royal prend la parole pour confirmer qu’aucun logiciel tricheur n’a été détecté sur les modèles Renault testés. Mais la ministre ne se limite pas à cette seule information et affirme que "des dépassements de normes" CO2 et oxyde d'azote ont été détectés chez Renault et deux marques étrangères. Une sortie qui brouille le message principal – l’absence de logiciel tricheur – et qui intervient une demi-heure avant la fermeture de la Bourse de Paris. Pas idéal pour calmer les esprits et les marchés, alors que l’Etat français - qui est par ailleurs le premier actionnaire du groupe automobile - aurait pu différer cette  information d’un jour ou deux. Après avoir limité la casse à 10% jeudi en fin de journée, le titre de la marque au losange perdait 2,5% vendredi à midi.