La rémunération des fonctionnaires, un dossier explosif

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Des professionnels de la santé lors d'une manifestation le 26 janvier dernier. © DOMINIQUE FAGET / AFP
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ARGENT - Le bulletin de paie des fonctionnaires n’ayant pas évolué depuis 2010, ces derniers commencent à perdre patience.

En plus du projet de loi El Khomri, le gouvernement s’apprête à rouvrir cette semaine un autre dossier sensible : la rémunération des fonctionnaires. La ministre de la Fonction publique doit recevoir les syndicats les 15 et 17 mars pour évoquer la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires. Un coup de pouce très attendu qui pourrait atteindre 1% et être enclenché dès cette année, même si le gouvernement sait qu’il dispose d’une marge de manœuvre très étroite.

Les fonctionnaires l’attendent depuis 2010. La question des rémunérations est devenue très sensible pour les 5,4 millions de fonctionnaires : ils n’ont bénéficié d’aucune augmentation salariale depuis 2010, date à laquelle le point d’indice a été gelé. Or cet outil statistique sert à calculer la rémunération des fonctionnaires : si le point d’indice ne bouge pas, leur feuille de paie subit le même sort.

Par chance, l’inflation est restée basse, ce qui a limité la perte de pouvoir d’achat pour les fonctionnaires. De plus, le système de prime a été progressivement détourné pour offrir des augmentations déguisées, comme le pointait un récent rapport de la Cour des Comptes. Les fonctionnaires ont en outre eu droit à une douceur : le jour de carence instauré dans la Fonction publique a été supprimé en 2014. En clair, les fonctionnaires sont à nouveau payés dès le premier jour en cas d’arrêt maladie, et une étude a montré que l’absentéisme est reparti à la hausse dans la foulée. Sauf que ce geste a été perçu par beaucoup de fonctionnaires comme un juste retour à la normale et n’a pas calmé les demandes de revalorisation salariale. Les syndicats de la Fonction publique réclament donc un geste plus que symbolique, certains allant jusqu’à demander un rattrapage intégral qui équivaudrait à une hausse de 7,2%.

Vers une revalorisation dès 2016. La ministre de la Fonction publique se sait donc très attendue et a déjà commencé à envoyer des signaux. "Il y a, à un moment, besoin de reconnaissance", a déclaré Annick Girardin jeudi lors d'une rencontre informelle avec la presse, en évoquant "l'effort des fonctionnaires" dans le redressement des finances publiques, qui équivaut à une économie de 7 milliards d’euros depuis 2010.

La Fonction publique devrait donc bien bénéficier d’une "augmentation générale", dixit la ministre. Cette dernière pourrait être comprise entre 0,5% et 1% et intervenir en deux temps : une première hausse avant l’été puis une seconde en fin d’année ou début 2017. A l’origine, cette revalorisation n’était envisagée qu’en 2017.

Eviter un nouveau front en pleine loi El Khomri. Au-delà de la longue attente des fonctionnaires, un autre élément peut expliquer le choix du gouvernement d’agir dès 2016 : le projet de loi El Khomri. La ministre du Travail n’a pas encore réussi à convaincre le moindre syndicat du bien-fondé de son texte. Pire, ces derniers ont commencé à organiser des journées de mobilisation et de grève pour contester le texte.

Or, les syndicats de fonctionnaires ont prévenu : eux aussi descendront dans la rue si le gouvernement ne fait un geste. Une date a même déjà été arrêtée, au cas où : le 22 mars, c’est-à-dire deux jours avant la présentation de la loi El Khomri en conseil des ministres. Le gouvernement pourrait alors faire face à une jonction entre les syndicats du public et ceux du privé, déjà rejoints par les organisations étudiantes. De quoi compromettre un peu plus un dossier déjà explosif.

Le gouvernement se veut donc à l’écoute des syndicats de fonctionnaires, même s’il sait qu’il dispose d’une marge de manœuvre très limitée. D’abord parce qu’une hausse de 1% du point d’indice équivaut à une dépense supplémentaire de 1,5 à 2 milliards d’euros par an. Ensuite parce qu’il ne doit pas donner l’impression de cajoler la Fonction publique au moment où les employés du privé redoutent de subir une plus grande flexibilité, notamment en termes de licenciement.