Qui va sauver le joyau industriel STX France ?

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Le chantier de construction du MSC Harmony of the seas, en février 2016 à Saint-Nazaire. © LOIC VENANCE / AFP
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ZOOM - Le spécialiste de la construction de paquebot est mis en vente par son propriétaire coréen. Les repreneurs en lice seront connus vendredi.

Mi-mai, le plus grand paquebot jamais construit, le Harmony of the seas, était mis à la mer et faisait la fierté de son constructeur, l’entreprise STX France, située à Saint-Nazaire. Malgré ce succès industriel, l’entreprise et ses 2.600 salariés s’inquiètent pour leur avenir, le propriétaire coréen l’ayant mise en vente. STX France devrait néanmoins en savoir plus sur son avenir vendredi, date à laquelle le tribunal de commerce de Séoul doit donner son avis sur les repreneurs potentiels. Un rachat dans lequel l’Etat français a décidé de s’impliquer pour éviter de perdre un fleuron industriel.

Qu’est-ce que STX France ? Si le nom STX France est peu connu du grand public, l’ancienne appellation de l’entreprise est, elle, bien plus bien plus renommée : les Chantiers de l’Atlantique, fondés dans les années 50. Devenue une filiale du groupe coréen STX Offshore and Shipbuilding en 2008, l’entreprise emploie aujourd’hui 2.600 salariés et fait travailler environ 5.000 sous-traitants. STX France est donc un maillon essentiel du tissu économique de Saint-Nazaire, mais aussi un symbole national puisque l’entreprise s’est spécialisée dans la construction de paquebots géants, de ferries, de pétroliers et autres navires spécialisés.

Pourquoi l’entreprise est-elle à vendre ? Les chantiers de Saint-Nazaire n’ont pas grand-chose à voir avec cette mise en vente puisque, après avoir traversé une période difficile, la filiale française se porte désormais très bien et dispose d’un carnet de commandes rempli jusqu’en 2026. En fait, les chantiers navals français sont rattrapés par les déboires de leur maison mère, STX Offshore and Shipbuilding : cette dernière est confrontée depuis plusieurs années au ralentissement de la croissance mondiale qui a entraîné une chute des commandes de navires, un défi auquel s’ajoutent également une gestion défaillante du groupe et une concurrence grandissante venue de Chine.

Résultat, le groupe perd chaque année un peu plus d’argent, une spirale qui a amené ses créanciers à en prendre le contrôle en 2013. Après avoir injecté plus de trois milliards d’euros, ces derniers ont décidé d’arrêter les frais en demandant en mai 2016 son placement en redressement judiciaire. Depuis, la maison-mère, STX Offshore and Shipbuilding, et sa branche française, STX France, se cherchent un repreneur.

Qui est prêt à le racheter ? Quatre candidats se sont manifestés pour racheter soit l’ensemble du groupe STX, soit juste la branche française. Leur nom ne sera divulgué que vendredi mais la presse coréenne croit savoir qu’il s’agit du Néerlandais Damen, de l'Italien Fincantieri, du Hongkongais Genting Hong Kong, et enfin du groupe naval français DCNS, qui pourrait s’associer avec l’un des repreneurs.

Mais ces offres ne sont pas toutes accueillies avec le même enthousiasme par les salariés, comme l’a souligné le site spécialisé Mer et marine, qui a interrogé les principaux représentants syndicaux de l’entreprise. Les offres italienne et hongkongaise n’ont clairement pas la préférence des équipes de Saint-Nazaire : "Fincantieri ne nous convient pas puisqu’ils ont décidé de faire du transfert de technologie vers la Chine, ce qui revient à se tirer une balle dans le pied, et nous avec. Nous rejetons d’ailleurs toute idée d’un repreneur asiatique car ce serait à coup sûr, cette fois, dans la perspective de transférer notre savoir-faire là-bas.  Il ne faut pas se voiler la face, si cela intervenait, nous serions probablement tous à la rue dans 5 ou 10 ans", a prévenu Nathalie Durand-Prinborgne, secrétaire de la section Force Ouvrière.

L’Etat compte bien peser dans la balance. Dans une France qui se préoccupe désormais du maintien de son appareil industriel, le gouvernement ne peut ignorer le dossier STX. L’identité du repreneur pèsera en effet sur l’avenir des chantiers français : l’idéal serait de trouver un repreneur ayant une expérience industriel, donc pas un fonds d’investissement venu réaliser une opération purement financière, et dont le but est de pérenniser les activités françaises, et non d’accumuler le savoir-faire français pour ensuite le transférer à l’étranger.

Si la décision finale reviendra à la justice coréenne, le gouvernement a néanmoins son mot à dire. D’abord parce que l’Etat est actionnaire de STX France à hauteur d’un tiers du capital, ensuite parce qu’il se réserve le droit de classer les chantiers de Saint-Nazaire comme une entreprise stratégique pour bloquer le rachat. "Nous avons deux outils d'intervention et s'il devait y avoir des offres qui ne soient pas dans l'esprit industriel qui est le nôtre, nous n'hésiterions pas à les utiliser", a ainsi déclaré le 3 novembre le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christophe Sirugue, après s’être entretenu avec le ministre coréen de l'Industrie et l'ambassadeur de Corée en France.

L’Etat peut également compter sur le groupe DCNS, qu’il détient à 66% et qui est spécialisé dans la construction navale militaire. Ce dernier souhaite participer à la reprise de STX France en s’associant avec le futur propriétaire, ce qui permettrait à l’Etat de renforcer son poids au sein de l’entreprise. Mais parce que rien n’est simple, ce soutien de DCNS pourrait aussi provoquer d’autres problèmes : obliger STX France à ne pas construire de navires militaires, une activité qui est justement la spécialité de DCNS.