Que vaut le comparateur officiel des tarifs bancaires ?

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ARGENT - L’Etat a décidé de lancer un site internet pour comparer les tarifs pratiqués par les banques en France.

Les clients d’une banque se demandent souvent s’ils paient le juste prix et s’ils ne pourraient pas trouver moins cher ailleurs. Pour les aider à faire des comparaisons, le gouvernement a donc lancé lundi un nouveau service : Tarifs-bancaires.gouv.fr, un site internet gratuit qui permet de comparer les tarifs de presque toutes les banques. Le gouvernement espère ainsi faciliter la vie des consommateurs pour qu’ils s’informent davantage et fassent jouer la concurrence. Mais que vaut ce nouveau service ? Et surtout, n’arrive-t-il pas trop tard ?

Comment cela fonctionne ? Le site Tarifs-bancaires.gouv.fr présente l’avantage d’être simple et clair. L’utilisateur doit d’abord choisir le type de banques qu’il souhaite comparer (banque classique et/ou banques en ligne), puis sa région - parce que plusieurs réseaux bancaires sont décentralisés et pratiquent des tarifs différents selon les régions -, et enfin les services qu’il souhaite comparer : frais de tenue de compte, frais de carte bancaire, frais de virement, frais de retrait dans le DAB d’une autre banque, etc. Les résultats peuvent ensuite être classés pour chaque type de frais, ce qui permet d’identifier la banque la moins chère.

Le ministère des Finances a également publié lundi une vidéo présentant ce nouvel outil en ligne :


Comparez gratuitement et simplement les tarifs...par economie-et-finances
  • CE QU'ON A AIMÉ

Une comparaison complète. Il y a d’abord son exhaustivité puisqu’il compare les tarifs de 155 banques, c’est-à-dire plus que tous les autres services similaires. En effet, certains comparateurs se limitent aux seules banques en ligne (Comparabanques, Avisbanque, etc.), tandis que les autres prennent en compte un nombre plus réduit de banques : le comparateur de l’UFC Que Choisir compare 126 établissements, tandis que le site CBanque recense 131 banques. Seuls les sites Panorabanques et ChoisirMaBanque.com arrivent à rivaliser avec environ 150 établissements bancaires pris en compte. Mais le comparateur officiel va plus loin en incluant des banques moins connues du grand public mais actives en France : celles lancées par la grande distribution (Carrefour Banque et Banque Accord, qui appartient au groupe Auchan) et celles qui sont des filiales de banques étrangères (Chaabi Bank ou Attijariwafa bank). Au final, 98% du marché est pris en compte.

Un service indépendant et gratuit. Cet atout doit néanmoins être relativisé : la plupart des autres comparateurs en ligne le sont aussi et se financent soit par la publicité (CBanque), soit par les commissions qu’ils touchent lorsqu’ils amènent de nouveaux clients à une banque (Panorabanques, Choisir ma banque). L’outil de l’UFC Que Choisir constitue un cas à part puisqu’il n’est accessible qu’aux abonnés de l’association de défense des consommateurs.

Un comparateur qui préserve la vie privée. Il n'est pas nécessaire de s’inscrire ou fournir ses coordonnées pour connaitre le résultat du comparatif demandé. Cela permet à la fois de gagner du temps et de garder la main sur ses données personnelles. Certes, la plupart des comparateurs assurent de pas revendre les coordonnées de leurs utilisateurs, mais on ne sait jamais. D’autant que les informations demandées sont souvent stratégiques : revenus mensuels, niveau d’épargne, endettement, etc.

  • CE QU'ON A MOINS AIMÉ

Un service qui arrive (trop) tard. Le site Tarifs-bancaires.gouv.fr a été lancé alors que de nombreux acteurs ont déjà investi ce secteur et que les consommateurs s’y sont habitués. D’autant que, dès juillet 2014, une directive européenne obligeait chaque Etat à mettre en place un comparateur officiel. "Cela fait trois ans que nous alertons sur la généralisation des frais de tenue de compte donc cette réaction est tardive. Certains frais, comme les commissions d'intervention, ont été plafonnés, donc les banques ont trouvé d'autres choses à faire payer à leurs clients", regrette ainsi Mathieu Escot, responsable des études au sein de l'association UFC-Que Choisir.

Seuls certains tarifs sont comparés. C’est le principal problème pointé par les comparateurs privés : le site officiel ne compare les tarifs que de 15 services bancaires, là où la concurrence prend en compte le coût d’au moins une cinquantaine de services bancaires. Si le client lambda peut donc s’informer sur les services de base, il n’a donc pas accès aux tarifs de certains services pourtant répandus : les relevés de compte, le coût d’une utilisation de sa carte bancaire à l’étranger ou encore la détention d’un compte-titre. De même, les packs de services – qui diffèrent selon les banques et ne sont donc pas toujours comparables – ne sont pas pris en compte par le comparateur officiel.

Une comparaison sans personnalisation. Ne demandant pas d'informations personnelles, le comparateur de l'Etat préserve la vie privée des usagers mais a pour inconvénient de ne permettre aucune personnalisation, mis à part le choix du département. A contrario, la concurrence demande à l’utilisateur de nombreuses informations (revenus, épargne existante, fréquence des voyages à l’étranger, etc.) qui permettent de personnaliser la comparaison selon son profil : jeune actif en début de carrière, cadre supérieur, retraité, etc. C’est d’ailleurs l’une des critiques émises par le site CBanque : "centré sur onze tarifs seulement, non personnalisable, ne prenant pas en compte les frais d'incidents ou le prix des packages, le comparateur public ne permettra pas à un consommateur de déterminer facilement quel est le meilleur choix dans son cas précis", accuse ce comparateur privé. 

  • Au final, un comparateur pour qui et pour quoi faire ?

Au regard de toutes ces caractéristiques, si ce comparateur doit permettre aux consommateurs d’y voir plus clair, il ne sera pas utile pour tout le monde : seuls ceux utilisant les services de base d’une banque y trouveront les informations nécessaires. Pour les autres, qu’il s’agisse des clients doté d’une épargne conséquente ou ayant besoin de services très spécifiques, les comparateurs privés peuvent se révéler plus pertinents, avec les limites évoqués précédemment. D’ailleurs, le ministre des Finances l'a reconnu : cet outil doit être "amélioré".

En revanche, ce comparateur a une vertu : mettre les banques sous pression pour qu’elles cessent d’augmenter les tarifs des services de base. "C'est aussi mon rôle (de veiller) à ce que le consommateur soit bien informé sur les tarifs pratiqués en veillant à la bonne transparence et comparabilité des tarifs bancaires" afin qu'il "puisse facilement changer de banque si les prix ou les services ne lui conviennent pas", a souligné Michel Sapin. Si tous les clients ne franchiront pas le pas, ils ne pourront en tout  cas plus prétendre qu’ils ne savaient pas.