Pourquoi les médecins généralistes sont en grève mardi

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Noémi Marois , modifié à
MÉDECINE - Ils descendent dans la rue mardi car ils se sentent menacés par le projet de loi Santé.

C'est jour de grogne chez les professions dites "réglementées". En grève, elles souhaitent protester mardi contre le projet de loi de réforme de leurs métiers que prépare le gouvernement. Mais en plus des professions réglementées, vous trouverez aussi des médecins généralistes dans les cortèges de manifestations. Par solidarité avec les pharmaciens avec qui ils travaillent main dans la main mais aussi parce qu’ils se sentent menacés par le projet de loi Santé.

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Que contient le projet de loi Santé ? En juin dernier, Marisol Touraine, ministre de la Santé, présentait les grandes lignes du projet de loi Santé. Ayant pour socle la prévention chez les plus jeunes et les plus fragiles, ce projet souhaite aussi "pour améliorer la prise en charge des Français", mettre en place "un service territorial de santé". La ministre veut ainsi développer un service médical "plus lisible et plus accessible". Pour cela, le rôle des Agences régionales de Santé sera renforcé : "Elles pourront réorienter leurs financements. Pour être autorisées, certaines activités pourraient être conditionnées à la participation de leur titulaire à la permanence des soins".

Pour soutenir les médecins dans leurs démarches, le ministère veut leur donner "les moyens d’échanger plus simplement" afin d'organiser au mieux les parcours de soins de leurs patients. "Les agences régionales de santé soutiendront à leur intention des plateformes territoriales d’appui qui devront être conçues avec les professionnels", expose le ministère de la Santé sur son site internet

Un projet de loi qui oublie les généralistes ?MG-France, premier syndicat des médecins généralistes, n’a rien à reprocher au discours des politiques : "en théorie, depuis Chirac, le généraliste est le pivot du système de soins", expose le docteur Claude Leicher, président du syndicat. "Mais les faits ne suivent pas et l’actuel projet de loi Santé ne nous satisfait pas alors qu’il veut valoriser les soins ambulatoires, c'est-à-dire en-dehors de l’hôpital".

La liberté des généralistes remise en cause. Le docteur Jacques Battistoni, secrétaire général de MG-France embraye : "l’Etat fait confiance aux structures publiques, comme toujours et délaisse la médecine libérale. Il va confier plus de responsabilités aux centres de santé et aux Agences de santé régionales (ARS)". Ces dernières pourraient être amenées selon le syndicat à décider du lieu d’installation des médecins, de la répartition des patients ou encore à faire les plannings de garde. Autant de domaines gérés jusque là par les généralistes. "C’est notre liberté qui pourrait être atteinte. On veut faire de nous des exécutants de l’administration", s’inquiète le Dr Battistoni . 

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Payés "28 euros de l’heure après 12 ans d’étude". MG-France demande aussi une valorisation du métier de généraliste, notamment au niveau du porte-monnaie. Le Dr Claude Leicher  aligne les chiffres : "12 ans d’étude pour être payé 28 euros de l’heure et supporter de lourdes responsabilités". Le généraliste n’est pas avare de son temps : "55 heures de travail en moyenne par semaine et il faut ajouter les gardes à l’hôpital auxquelles deux tiers des médecins participent". 

Et le salaire, situé entre 5.000 et 5.500 euros, souffre du blocage des honoraires souligne le Dr Claude Leicher : "Les indemnités kilométriques n’ont pas changé depuis 1996. La majoration de déplacement chez le patient est, pour sa part, bloquée depuis 2002. Et les rémunérations des actes de médecine qui représentent 80% de notre salaire sont les mêmes depuis 2011".

En danger démographique. Beaucoup de travail pour un salaire qui stagne,  voilà qui ne va pas susciter des vocations selon le Dr Claude Leicher : "Pour les jeunes médecins, la situation n’est pas tenable financièrement et puis, ils veulent pouvoir profiter de leur vie familiale. Ils se dirigent donc vers les spécialités qui payent mieux et sont moins exigeantes en temps". La conséquence ? Un manque de médecins : "il y a un vrai danger au niveau démographique". Les chiffres parlent d’eux-mêmes : "En 2005, il y avait 54.000 médecins généralistes en France. En 2013, ils ne sont plus que 52.000 alors que la population française a augmenté". Et le numerus clausus, qui limite les entrées en faculté de médecine n’est pas en cause car il a augmenté ces dernières années.

Les villes touchées à leur tour. La réalité selon le syndicat, c’est des médecins généralistes qui partent à la retraite sans trouver de remplaçant : "Aujourd’hui, je manifeste à Valence et j’apprends qu’un cabinet de trois généralistes vient de fermer ses portes car il n’a pas trouvé de repreneur. Vous trouvez ça normal pour une ville de 70.000 habitants ?". Et c’est une nouveauté. Après les départements ruraux, les villes souffrent à leur tour d’une pénurie de médecins généralistes. Le top 4 des zones manquant le plus de généralistes est en effet occupé par quatre départements d’Île-de-France.

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