Pourquoi les créations d’emploi ne font pas (encore) baisser le chômage

Les créations d'emploi font lentement redescendre le chômage.
Les créations d'emploi font lentement redescendre le chômage. © AFP / Montage Europe 1
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Plus de 300.000 emplois ont été créés en France en un an. Un dynamisme qu’on ne retrouve pas totalement dans les chiffres du chômage.

Et de onze. La France a créé 81.400 emplois salariés au deuxième trimestre, le onzième trimestre d’affilée dans le vert. A l’exception d’un accroc au troisième trimestre 2014, la France est créatrice nette d’emplois depuis mi-2013, date de début de la timide reprise de l’économie française. Depuis ce retournement conjoncturel, 700.000 emplois ont été créés en France et la tendance s’accélère : sur les douze derniers mois, ce sont plus de 300.000 nouveaux postes qui ont vu le jour, un niveau qu'on n'avait plus observé depuis 15 ans. Un dynamisme qui contraste avec la situation morose du chômage.

  • Retour des chômeurs découragés à Pôle emploi

Il faut traiter différemment le lien entre les créations d’emplois et les chiffres de demandeurs d’emploi, publiés par Pôle emploi chaque mois d’un côté, et le taux de chômage calculé par l’Insee chaque trimestre, de l’autre. Prenons d’abord les chiffres de demandeurs d’emploi, qui continuent de faire le yo-yo d’un moissur l’autre. Ces chiffres stagnent alors même que les créations d’emploi sont dans le vert depuis près de trois ans.

Pour Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’OFCE, les chiffres de Pôle emploi ont pu être soumis à un "effet de flexion" au niveau des inscriptions. "Des gens qui étaient découragés dans leur recherche de travail par les mauvaises nouvelles successives à propos de l’emploi ont commencé à se réinscrire à Pôle emploi quand il a été annoncé un peu partout que les créations de postes accéléraient", explique l’économiste. Par conséquent, et c’est paradoxal, la perspective de futures créations d’emploi ont gonflé les chiffres du chômage de Pôle emploi. Ce qu’Éric Heyer qualifie de "saine hausse".

  • Un nombre de créations d'emploi minimum atteint tardivement

En ce qui concerne le taux de chômage calculé par l’Insee (au sens du Bureau international du travail, BIT), il baisse doucement, à coups de dixième de pourcent, et a atteint 9,2% au deuxième trimestre. Mais la baisse n’a réellement commencé qu’en 2015-2016, après le début de la dynamique des créations de postes. "Le lien entre créations d’emplois et baisse du chômage n’est pas toujours évident. Pour que le taux de chômage baisse, il faut que les créations dépassent l’augmentation de la population active", rappelle Éric Heyer.

"En moyenne, il y a 800.000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail chaque année et 650.000 seniors qui en sortent. L’économie française doit donc créer 150.000 postes par an pour que le chômage n’augmente pas, plus si on veut qu’il baisse", précise l’économiste. Or, ce seuil n’a été franchi progressivement que fin 2015. Avant cela, la France créait certes des emplois, mais pas suffisamment. La nette accélération des créations d’emplois salariés incite donc à l’optimisme puisque nous sommes déjà au double du seuil de 150.000. "La baisse du taux de chômage est bien en lien avec les créations d’emploi, donc ça va venir", confirme Éric Heyer.

  • L’intérim freine le recul du chômage

Par ailleurs, si le chômage baisse peu et lentement, pour l’instant, c’est parce que les créations d’emploi sont toujours tirées par les contrats précaires, à commencer par l’intérim. Au deuxième trimestre, l’intérim représentait 28,5% des postes créés. Avec désormais 710.000 Français employés de cette façon, "l’intérim bat des records historiques", souligne Éric Heyer.

Pendant longtemps, l’intérim a été un indicateur avancé de la situation du travail : dès que la conjoncture s’améliorait, les emplois intérimaires étaient transformés en emplois durables. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. "Le marché du travail est devenu beaucoup plus flexible. Il n’y a jamais eu autant de CDD courts et de contrats d’intérim. C’est devenu la norme actuellement", explique l’économiste de l’OFCE. Résultat, les intérimaires dont le contrat n’est pas renouvelé sont parfois contraints de repasser par une période de chômage. Une situation qui durera tant que les contrats longs et sécurisés n’auront pas retrouvé leur place d’avant la crise.