Pourquoi Bouygues réclame 2 milliards à l'Etat

© JACQUES DEMARTHON / AFP
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L’opérateur télécoms réclame 2 milliards d’indemnités à l’Etat : il estime que ce dernier n’a pas bien encadré l’arrivée de Free Mobile.

S’il fait l’objet de nouvelles rumeurs de rachat par un concurrent plus gros que lui, Bouygues Telecom a d’autres préoccupations : l’opérateur télécom souhaite être indemnisé par l’Etat à hauteur de 2,28 milliards d'euros. Le motif ? A ses yeux, l’Etat n’aurait pas suffisamment encadré l’arrivée de Free mobile et laissé faire des pratiques jugées déloyales par Bouygues Telecom. L’opérateur de téléphonie mobile l’a fait savoir dans une lettre envoyée au Premier ministre et que s’est procuré le quotidien Les Echos.

Bouygues n’a pas digéré l’arrivée de Free. Petit poucet du marché de la téléphonie mobile lorsque ce dernier ne comptait que trois opérateurs, Bouygues est celui qui était le moins armé pour répondre à l’arrivée de Free Mobile en janvier 2012. D’autant plus que Free mobile n’ayant pas le temps ni les moyens de déployer son propre réseau d’antennes-relais dès son arrivée sur le marché, Free mobile a conclu un accord d’itinérance avec Orange pour lui louer son réseau. Grâce à un tel réseau et des prix cassés, Free Mobile s’est rapidement imposé sur le marché de la téléphonie mobile et a même dépassé Bouygues Telecom : fin août 2015, il revendiquait 16% de parts de marché.

L’Etat accusé d’avoir mal encadré cette mutation. Relégué en quatrième position sur le marché français en à peine trois ans, Bouygues Telecom estime que la concurrence a été faussée par cet accord Free mobile – Orange. A ses yeux, Free mobile n’aurait jamais pu proposer des tarifs aussi bas s’il avait dû déployer son propre réseau. Et il n’aurait alors pas rencontré un tel succès.

Bouygues mobile estime donc que ce contrat d’itinérance a bouleversé le secteur des télécoms et qu’il aurait donc du être étudié de près par le gendarme du secteur, l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes). Car Bouygues est persuadé que l’Arcep aurait alors imposé des conditions à cet accord et en aurait réduit la durée, ce dernier courant jusqu’en 2018. Si on suit cette logique, l’opérateur mobile aurait conservé une bonne partie de sa clientèle et préservé ses résultats financiers. S’estimant victime d’un préjudice, Bouygues demande donc aux autorités d’être indemnisé pour cette mauvaise gestion du passage de trois à quatre opérateurs mobiles.

Comment Bouygues en arrive à une telle facture ? L’estimation du préjudice à hauteur de 2,28 milliards d'euros se décompose en deux volets. Il y a d’abord le manque à gagner sur l'ensemble de la période du contrat d'itinérance : 1,69 milliard d'euros. Mais aussi le coût des plans sociaux réalisés pour rester compétitif et divers autres préjudices : 590 millions d’euros. Soit un montant global de 2,28 milliards d'euros.

Silence radio du côté des autorités. Sans confirmer explicitement ce courrier et la somme réclamée, le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a indiqué mardi aux députés que l'Arcep allait apporter une réponse sur le fond "dans les prochains jours". Le gendarme des télécoms a en effet été saisi à plusieurs reprises par Bouygues Telecom pour qu’il définisse un calendrier et les conditions de la fin du contrat d'itinérance liant ses rivaux Free Mobile et Orange.

Ce dernier avait jusqu’à présent botté en touche, jugeant ne pas pouvoir répondre à la demande de Bouygues Telecom, mais une récente décision du Conseil d’Etat le force à prendre position. Une stratégie qui pourrait avoir des effets pervers pour Bouygues : si l’Arcep doit donner son avis sur les contrats entre différents opérateurs, il va devoir se pencher aussi sur le contrat de mutualisation des infrastructures qui lie depuis Bouygues Telecom et Numericable-SFR.