Pour survivre, le cinéma français doit se réformer

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Le rapport Bonnell propose 50 pistes pour préserver l’exception culturelle française.

L’info. Le cinéma français est l’un des rares à résister au bulldozer culturel américain, principalement grâce à un système protectionniste qui a assuré sa survie puis son développement. Mais ce système, orchestré par l’Etat et basé sur la solidarité de la profession et des contribuables, connait un déséquilibre grandissant et des polémiques en chaine. La tribune du producteur Vincent Maraval avait notamment créé un tollé dans le milieu en dénonçant des "acteurs trop payés", le tout au cours d'une année 2013 où la fréquentation des salles a reculé de 5,3%.

Le ministère de la Culture a donc organisé en janvier 2013 les premières Assises du cinéma, au cours desquelles la profession et les autorités publiques sont arrivées au même constat : le modèle français doit être réformé pour mieux rebondir. Un rapport a donc été demandé à un spécialiste du secteur, René Bonnell, qui a rendu sa copie mercredi.

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Un spécialiste au chevet d’un secteur clé. Passé par Canal +, Gaumont et France Télévision, René Bonnell connait bien le monde du cinéma et surtout son économie. Qui n’est pas anecdotique : en 2012, le cinéma, la production audiovisuelle, la vidéo et le jeu vidéo représentaient 340.000 emplois et 16,2 milliards de valeur ajoutée globale dans l'économie française, selon les chiffres du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). René Bonnell a donc pris son temps pour rédiger son rapport, long de 188 pages et formuler 50 propositions.

UN TRIPLE CONSTAT ET 50 PROPOSITIONS

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Premier constat : des superproductions plus chères et moins rentables. Le premier constat est simple : le cinéma français est de moins en moins rentable alors même que les grosses productions captent de plus en plus d’aides, au détriment des petites et moyennes productions. Le rapport avance un chiffre éloquent : actuellement, seul un tiers des films sont rentables. Car les films français tentent de reproduire la recette américaine, sans rencontrer le succès espéré : les grosses productions ne misent que sur des acteurs déjà très connus, quitte à les payer de plus en plus cher, et consacrent de plus en plus d’argent à la promotion. Sauf que le succès est de moins en moins au rendez-vous. Dans sa tribune polémique, Vincent Maraval pointait ainsi du doigt Dany Boon, qui a gagné "3, 5 millions d'euros pour Le Plan parfait, dont les entrées ne seront pas suffisantes pour payer son salaire !"

>> Les pistes proposées. Constatant un écart croissant entre la rémunération moyenne des acteurs et celle des "stars",  le rapport propose d’instaurer plus de transparence. Ce qui permettrait d’identifier quelles sommes sont réellement allouées aux stars (acteurs, réalisateurs et scénaristes). En cas d’abus, les aides publiques pourraient être revues à la baisse. Il recommande également de moins payer les têtes d’affiche, en leur proposant en échange un intéressement qui dépendrait du succès réel du film. Ces réformes doivent permettre de rendre le cinéma plus transparent et plus attractif pour les investisseurs, actuellement peu nombreux à se lancer dans le septième art.

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Deuxième constat : des aides en baisse. Les cinéastes font appel au Fonds de soutien au cinéma pour trouver une partie de leur financement. Ce fonds est alimenté par une taxe sur les tickets de cinéma, sur les groupes audiovisuels, ainsi que sur la vente et la location de vidéos. Sauf que cette structure récolte de moins en moins d’argent. Et le rapport de préciser : "selon le scénario noir, entre 2012 et 2017, l’apport des chaînes chuterait de 18 %, prolongeant les réductions constatées en 2012 et 2013. (…) Rapporté aux investissements français dans la production, cela représente une contraction d’environ 6 % et de 14 % en tenant compte de l’évolution prévisible de l’inflation dans la branche".

>> La solution. Si les "gros" verraient leurs aides revues à la baisse, le rapport préconise en revanche de renforcer le soutien aux films à petit budget, qui réalisent en moyenne entre 500.000 à 1,5 million d'entrées . Pour éviter que les chaines de télévision ne participent qu’aux grosses productions "commerciales", le rapport propose également de les obliger à participer au financement d’un nombre minimum de premiers ou deuxièmes films. Enfin, il est recommandé de développer le crowdfunding, c’est-à-dire le financement des particuliers via Internet.

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Troisième constat : une diffusion inadaptée à l’ère d’Internet. Ensuite, la chronologie des médias - qui suppose qu’un délai doit être respecté entre la diffusion en salle, puis en VOD (vidéo à la demande) et DVD et enfin à la télévision – a des effets pervers. Ainsi, un film peut se retrouver sur une plate-forme internet illégale plusieurs mois avant d’être disponible légalement.

>> La solution. Le cycle de diffusion des films doit donc être réformé et la filière de vidéo à la demande légale, ainsi que celle de la télévision de rattrapage, doivent être soutenues. D’abord en les autorisant à diffuser plus vite les films. Mais aussi en abaissant la TVA de 20 à 10%. L’idée est que ces services en ligne se développent pour ensuite les faire contribuer au système d’aide.
>> A lire aussi : Le Hobbit et Django Unchained, films les plus piratés en 2013

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Réformer, et vite. Visiblement, le cinéma français ne peut pas se permettre de perdre du temps. La ministre de la Culture Aurélie Filippetti a en effet expliqué mercredi qu’elle attendait du "CNC (qu’il) puisse mener avec les professionnels des discussions le plus rapidement possible pendant le premier semestre 2014. S'il y a des mesures législatives, cela permettra de les mettre dans la Loi création que je présenterai pendant l'année 2014 ". Un message entendu cinq sur cinq par le CNC, dont la présidente, Frédérique Bredin, a appelé de ses vœux une "vraie réforme" et non un "simple ajustement".

L’objet de cet article n’est pas de présenter de manière exhaustive les 50 propositions du rapport Bonnell. Vous pouvez néanmoins retrouvez ce document dans son intégralité :

 

Quant à notre chroniqueur Nicolas Barré, il proposait mercredi matin sur Europe 1 une ligne de conduite simple : produire moins mais mieux.

Le cinéma français "gravement malade"par Europe1fr