Pesticides, travail des enfants, etc. : même "durable", l’huile de palme peut être synonyme d’abus

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Une exploitation d'huile de palme sur l'île de Sumatra, en Indonésie. © ADEK BERRY / AFP
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TRANSPARENCE - Amnesty international a publié mercredi un rapport sévère sur la manière dont est récoltée l’huile de palme, dénonçant notamment l'exploitation d'enfants.

Si la plupart des Européens n’ont jamais vu de leur vie un palmier à huile, cet arbre leur est pourtant devenu très familier : de la cuisine à la salle de bain, de nombreux produits du quotidien contiennent de l’huile de palme. Devenue incontournable, elle n’en demeure pas moins controversée en raison de la manière dont elle est produite et récoltée. Producteurs et multinationales ont donc progressivement élaboré des codes de bonne conduite, que l’ONG Amnesty international a décidé de tester. Les conclusions de cette enquête, publiée mercredi, sont aussi accablantes, comme l'indique son titre : "Le scandale de l’huile de palme. De grandes marques tirent profit de l’exploitation des ouvriers".

L’huile de palme est partout. L’huile de palme est devenue un ingrédient incontournable dans la fabrication de nombreux produits : biscuits, plats préparés, glaces, céréales, bonbons, chocolat, dentifrice, savon, shampoing, etc. Les raisons sont multiples : son coût de production (moins élevé que les autres huiles), ses propriétés gustatives (rendre les produits solides plus croustillants et les produits liquides plus onctueux) ou encore sa capacité à repousser les délais de conservation. Résultat, une famille française avec un enfant consomme l’équivalent d’un palmier à huile pour couvrir ses besoins annuels, selon un calcul de l’ONG WWF.

Une matière première décriée. L’huile de palme traîne une réputation sulfureuse. D’abord en raison de son impact redouté sur la santé : elle est très riche en gras saturé, qui augmente les risques cardiovasculaire. Ensuite, son mode de production est décrié : la plupart de la production provient d’Asie du Sud Est et son essor est le premier responsable de la déforestation d’une bonne partie de l’Indonésie et de la Malaisie. Sans oublier les conditions de travail des ouvriers qui la récoltent, régulièrement pointées du doigt. Pour redorer le blason de cette matière première qu’elle juge indispensable, l’industrie agroalimentaire a décidé de mettre en place une filière de l’huile de palme responsable, synonyme de meilleures conditions de travail et de mesures contre la déforestation. Pour vérifier la réalité de ces promesses, l’ONG Amnesty international a enquêté dans plusieurs plantations, dont une partie labellisées "responsables", et mené des entretiens avec quelque 120 employés.

"Des atteintes systématiques aux droits humains". Les conclusions de cette enquête sont explosives : "bien qu’elles aient promis à leur clientèle qu’il n’y aurait plus d’exploitation dans leurs chaînes d’approvisionnement en huile de palme, les grandes marques continuent de tirer profit de terribles atteintes aux droits humains", a déclaré Meghna Abraham, directrice de recherches à Amnesty International.

Et l’ONG de multiplier les exemples : des femmes "payées en dessous du salaire minimum et maintenues dans une situation d’emploi précaire, sans retraite ni assurance maladie", "des ouvriers souffrant de graves lésions liées au paraquat, un pesticide hautement toxique encore utilisé dans les plantations malgré son interdiction par l’Union européenne". Plus grave encore, le recours au travail des enfants : "le rapport souligne que des enfants âgés de huit à 14 ans accomplissent des tâches dangereuses dans des plantations détenues et gérées par des filiales et des fournisseurs de Wilmar. Ils travaillent sans tenue de protection dans des lieux où des pesticides toxiques sont utilisés et portent des sacs de fruits de palmier à huile qui peuvent peser de 12 à 25 kg. Certains ont abandonné l’école pour travailler avec leurs parents toute la journée ou presque", dénonce le rapport.

La mise en place d’une filière de l’huile de palme durable a donc un effet limité sur les femmes et les hommes qui y travaillent, souligne l’ONG. Pire, ce label est perçu par Amnesty international "comme une protection pour éviter une surveillance accrue."

Les plus grandes marques rappelées à leurs responsabilités. Quant au consommateur, il a bien sûr un rôle à jouer en étant conscient de ce qu’il achète, encore faut-il qu’il sache d’où provient l’huile de palme contenue dans sa barre chocolatée et si elle est aussi responsable que l’étiquette l’affirme. Les grandes entreprises des secteurs agroalimentaire ou cosmétique ont donc une grande responsabilité, ce qui a conduit Amnesty international à les interroger sur ce qu’elle a constaté en Indonésie.

"Les chercheurs d’Amnesty International ont remonté la filière de l’huile de palme jusqu’à neuf multinationales", précise le rapport, et pas des moindres : Kellogg’s, Nestlé, Colgate-Palmolive ou encore Reckitt Benckiser (Durec, Harpic, Vanish, Air Wick, etc.). "A l’exception d’une seule, toutes ces entreprises sont membres de la RSPO et affirment utiliser de l’‘huile de palme durable‘ sur leur site Internet ou les étiquettes de leurs produits. Aucune des entreprises contactées par Amnesty International n’a nié l’existence de ces atteintes aux droits humains, mais pour autant, aucune n’a fourni d’exemples de mesures prises pour lutter contre les violations des droits des travailleurs", regrette l’ONG. Cette dernière demande donc une plus grande transparence des entreprises, à la fois sur la composition de leurs produits et sur la provenance de l’huile de palme utilisée.