Pertes, salaires, notes de frais : turbulences financières chez FO, sur fond de luttes internes

Troisième syndicat de France, Force ouvrière est dans la tourmente depuis l'éviction de Pascal Pavageau.
Troisième syndicat de France, Force ouvrière est dans la tourmente depuis l'éviction de Pascal Pavageau. © CHRISTOPHE SIMON / AFP
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et Olivier Samain
À une semaine de l'élection de son nouveau secrétaire général, Force ouvrière voit la curieuse gestion de ses comptes déballée sur la place publique.

Force ouvrière est dans la tourmente. Déjà déstabilisé par l’éviction de son secrétaire général Pascal Pavageau en octobre, suite à l’affaire du fichage des cadres, le troisième syndicat de France doit désormais justifier sa gestion financière. Selon Le Parisien de lundi, en 2017, FO a accumulé 635.000 euros de pertes, alors même que les notes de frais des cadres du bureau confédéral atteignaient des montants étonnamment élevés. Le tout dans un contexte particulièrement tendu : à dix jours de l’élection du nouveau secrétaire général, les tractations vont bon train en coulisses.

Pertes soudaines. D’après les informations du Parisien, les comptes de FO sont dans le rouge. En 2016, la confédération avait enregistré un excédent de 1,1 million d'euros, selon ses comptes certifiés. Un an plus tard, le syndicat aurait subi 635.182 euros de pertes, ce que la direction conteste. Cette dernière assure que ses comptes n'ont encore été certifiés par aucune instance en interne mais que ce sera fait "très rapidement".

Notes de frais astronomiques. Or, en 2017, les 13 membres du bureau confédéral de FO ont fait passer pour 388.000 euros de notes de frais au total, révèle le quotidien (hôtels, loyers, trains…). Le seul Pascal Pavageau, qui n’était pas encore le secrétaire général déchu du syndicat, a défrayé 50.000 euros en un an (contre 49.000 en 2016 et 33.000 euros en 2015). Jean-Claude Mailly, son prédécesseur, a présenté, lui, une facture de 34.000 euros, contre 32.000 en 2016 et 35.000 euros en 2015. Des montants loin d’être uniques, une cadre de FO ayant atteint les 60.000 euros de notes de frais en 2015, dont la moitié en vols Air France. Et ce, alors que d’autres secrétaires confédéraux du syndicat ne dépassent pas les 3.800 euros sur un an.

Des salaires qui interrogent. Enfin, Le Parisien a rendu publiques les rémunérations particulièrement élevées de certains cadres. Ainsi va de Jean-Claude Mailly : l’ancien secrétaire général de FO (2004-2018) a perçu en 2017 un salaire annuel brut de 63.000 euros, auquel s’ajoutent diverses primes. Au total, sa rémunération brute annuelle a atteint 100.000 euros, soit 8.360 euros mensuels. Là encore, il ne s’agit pas d’un cas isolé : cinq autres salariés du syndicat ont touché un salaire annuel hors primes de 63.000 euros bruts. Avec primes, ils émargent entre 77.000 et 84.000 euros brut en 2017.

Ces chiffres posent question au vu de l’état visiblement préoccupant des finances de Force ouvrière. Mais aussi au regard de la façon dont le syndicat règle salaires et notes de frais de ses dirigeants. En effet, les recettes de FO - 33 millions d’euros en 2017 - proviennent majoritairement des subventions publiques (21 millions d’euros, soit 64%). Nul doute que tout cela sera abordé lors de la réunion du comité confédéral national, les 21 et 22 novembre, pour élire le futur secrétaire général de FO.

Luttes intestines. Et c’est bien cela qui se joue en coulisses au siège du syndicat. Depuis la démission de Pascal Pavageau, la guerre fait rage au 141 avenue du Maine, dans le 14ème arrondissement de Paris. Trois candidats ambitionnent de prendre la tête de FO. Patrice Clos, 53 ans, secrétaire national des transports et de la logistique de FO, a été le premier à se déclarer. Partisan d’une ligne dure dans les conflits sociaux, il se situe dans la ligne de Pascal Pavageau. Face à lui, Christian Grolier, 52 ans, secrétaire général de FO-Fonction publique, décrit par certaines sources internes comme proche du courant trotskiste au sein de FO ; et Yves Veyrier, 60 ans, un membre du bureau confédéral et proche de Jean-Claude Mailly.

Derrière ces trois hommes se joue en réalité une lutte intestine sans merci entre les sections locales. Certaines fédérations et structures départementales jouent gros dans cette élection, y compris en termes financiers. Avant le scandale du fichage, la crise qui secoue FO est partie d'un audit commandé par Pascal Pavageau dès son élection en avril. L'objectif était de clarifier la répartition de la manne financière au sein du syndicat. Mais l'ancien secrétaire général a visiblement rencontré quelques oppositions en interne. Cet audit "est la première chose que vous avez cherché à m'imposer d'arrêter", avait écrit Pascal Pavageau dans sa lettre de démission, le 17 octobre, pointant du doigt ceux qui souhaitent "que certains tiroirs ne soient jamais ouverts". C'est désormais chose faite…