Nos crevettes sont-elles fournies par une entreprise esclavagiste ?

Dans une entreprise de production de crevettes en Thaïlande (Photo d'illustration)
Dans une entreprise de production de crevettes en Thaïlande (Photo d'illustration) © REUTERS
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Damien Brunon et Maud Descamps, avec Amandine Alexandre, correspondante à Londres , modifié à
ENQUÊTE - Carrefour et plusieurs enseignes internationales se fourniraient auprès d'une entreprise thaïlandaise qui emprisonne ses travailleurs.

L’entreprise CP Foods, qui affiche un chiffre d’affaires annuel de 33 milliards de dollars, se décrit elle-même comme “la cuisine du monde”. Elle vend aux distributeurs des crevettes crues et cuites, mais aussi des plats préparés. Mais dans quelles conditions sont pêchés les poissons qui servent à nourrir les crevettes vendues dans les rayons des géants mondiaux de la distribution que sont Carrefour, Walmart, Costco ou encore Tesco ?

Selon une enquête publiée mardi par le quotidien anglais The Guardian, ce serait des dizaines d’esclaves battus, torturés, parfois drogués ou encore exécutés par l’entreprise thaïlandaise Charoen Pokphand (CP) Foods qui seraient chargés de la tâche.

Des conditions de travail terribles. Sur des navires de pêche stationnés dans le golfe de Thaïlande, des immigrés clandestins originaires pour la plupart de Birmanie et du Cambodge pêchent des petits poissons qui servent ensuite à alimenter des crevettes d'élevage, les crevettes exportées précisément dans le monde entier par l'entreprise thaïlandaise CP Foods.

Plusieurs anciens esclaves ont témoigné devant les journalistes du quotidien à propos de ce qu’ils devaient subir : les journées de 20 heures, les méthamphétamines qu’on leur proposait pour tenir le coup et les autres esclaves tués devant leurs yeux. Pour une assiette de riz par jour, ces immigrés triment sous la surveillance de capitaines au comportement barbare. Ils sont détenus parfois plusieurs années, battus, drogués, torturés quand ils ne sont pas tout simplement tués. L'un des esclaves qui témoigne dans le Guardian affirme avoir vu une vingtaine de personnes tuées sous ses yeux. Certains ont été exécutés d'une balle, d'autres jetés à la mer, leur corps lesté de pierres. Cet esclave rapporte même avoir vu un homme se faire écarteler.

En bout de chaîne, les vendeurs plaident "non coupables". Interrogé par le quotidien anglais, le directeur général de CP Foods au Royaume-Uni s’est défaussé. "Nous ne sommes pas ici pour défendre ce qui se passe", a déclaré Bob Miller. “Nous savons qu'il y a des problèmes en ce qui concerne la matière [première] qui vient [des ports], mais dans quelle mesure cela est le cas, nous n'avons tout simplement pas la visibilité."

Carrefour pense à cesser tout lien avec cette entreprise. L’entreprise Carrefour, citée comme l’une des entreprises qui vend aux clients les produits venant de CP Foods, a quant à elle expliqué au quotidien anglais qu’elle effectuait des vérifications sociales de tous ses fournisseurs, y compris l’usine de CP qui lui fournit des crevettes. Elle a néanmoins admis ne pas pouvoir vérifier elle-meme jusqu’à la fin des chaînes complexes de fournitures.

Le distributeur Carrefour a fait savoir mardi soir qu'il pensait à cesser tout lien avec cette entreprise si les faits cités par le Guardian étaient avérés.

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