Mobilisation sociale : la "convergence des luttes" s’éloigne déjà

L'appel de la CGT et de Solidaires a été moins suivi que lors des précédentes journées d'action.
L'appel de la CGT et de Solidaires a été moins suivi que lors des précédentes journées d'action. © AFP
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Entre 120.000 et 300.000 personnes ont défilé jeudi contre la politique du gouvernement, à l’appel de la CGT et Solidaires. La "convergence des luttes" peine à s’enraciner dans l’esprit des salariés.

Ce devait être la première pierre de la "convergence des luttes". Dans l’espoir de construire petit à petit un printemps social en capitalisant sur les grognes à la SNCF, dans la fonction publique et les universités, la CGT et Solidaires avaient appelé les salariés à se mobiliser jeudi contre la politique du gouvernement. Une centaine de manifestations ont eu lieu au cours de la journée mais la participation a finalement été moindre que lors des derniers rassemblements. Une épine dans le pied de la CGT alors que les autres syndicats affirment désormais haut et fort ne pas croire à la fameuse convergence.

Pas de manifestations monstres

Cette journée de mobilisation nationale devait être l’occasion pour la CGT de faire la démonstration de la résistance syndicale contre la politique d’Emanuel Macron concernant la SNCF, les retraités, les Ehpad, la fonction publique, etc. Plus de 130 manifestations étaient prévues dans toute la France et au total, la CGT a recensé 300.000 personnes dans la rue, contre un bilan de 120.000 pour le ministre de l'Intérieur. Comme d’habitude, c’est Marseille qui a servi de baromètre, dès 10h30. Selon la CGT, 65.000 personnes se sont massées le long du parcours entre le Vieux-Port et la Castellane. Mais selon la police, elles étaient à peine 5.000, et 5.700 d’après un comptage indépendant réalisé par le cabinet Occurrence pour un collectif de médias, dont Europe 1.

Moins de monde que le 22 mars. Dans le reste de la France, la participation était également limitée. La police a dénombré 4.400 manifestants à Lyon et 4.500 à Rennes, environ 2.000 à Bordeaux et Strasbourg ou encore un millier ou plus à Perpignan, Montpellier, Nice ou Saint-Etienne. Dans ces villes comme à Marseille, le nombre de manifestants était inférieur à celui de la journée d’action pour la défense des services publics le 22 mars.

Finalement, Paris a tenu le rôle du révélateur. Plusieurs milliers de manifestants se sont massés en début d’après-midi autour de la gare Montparnasse en attendant le départ vers la place d’Italie. Mais là encore, les chiffres n’ont pas grimpé : 11.500 selon la préfecture de police, 15.300 selon le comptage des médias et 50.000 selon la CGT (contre respectivement, 49.000, 47.800 et 65.000 le 22 mars). La preuve que les mouvements sectoriels mobilisent actuellement plus massivement que les mobilisations nationales.

Des heurts malvenus à Paris

La manifestation parisienne, qui avait débuté sous le soleil et dans un état d’esprit plutôt festif, a malheureusement été ternie par des heurts entre des individus cagoulés et les forces de l’ordre. Sur le boulevard Saint-Jacques (14e arrondissement), dans le sud de la capitale, les policiers ont essuyé des jets de projectiles devant l'hôtel Marriot en milieu d'après-midi. Ils ont répliqué avec des gaz lacrymogènes, reçu de nombreux renforts et recouru à un canon à eau contre plusieurs centaines de personnes. Les vitrines de l'hôtel ont été endommagées à coups de pioches par des manifestants, obligeant le cortège de la CGT à interrompre sa progression.

Après environ une heure d'échauffourées dans le même secteur, les CRS ont effectué plusieurs charges, en lançant de nouveau des lacrymogènes. Selon la préfecture de police de Paris, un cocktail Molotov a été lancé en direction des forces de l'ordre. Un manifestant blessé a été pris en charge par les secours, selon la même source. Valérie Lesage, la responsable de la CGT pour l'Île-de-France, a dénoncé des "provocations inqualifiables et scandaleuses de la préfecture de police", affirmant que "des CRS ont forcé le cortège CGT."

La CGT isolée sur la convergence

L’appel de jeudi avait été lancé par la CGT et Solidaires et les deux syndicats espéraient créer un effet boule de neige en donnant envie aux autres centrales de les rejoindre, notamment lors de la traditionnelle marche du 1er mai. Philippe Martinez en avait d’ailleurs fait la proposition directement à ses homologues des cinq principales organisations. Un espoir qui a pris du plomb dans l’aile dès le matin, lorsque Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a annoncé que son syndicat ne défilerait pas avec la CGT pour la Fête du Travail.

" La convergence des luttes nuit à l'efficacité syndicale "

Sans la CFDT, FO et la CFE-CGC. Pour Laurent Berger, la "convergence des luttes" "ne fonctionne pas". "C'est plus une démarche politique, qui n'est pas la nôtre, qu'une démarche syndicale", a-t-il déclaré. S'il y a "évidemment" des "points communs entre les salariés dans ce pays", "il y a aussi des combats spécifiques selon les champs professionnels". De son côté, Pascal Pavageau, qui doit succéder à Jean-Claude Mailly à la tête de Force Ouvrière le 27 avril, a confirmé qu'il n'était pas prévu de 1er mai unitaire des cinq principaux syndicats. "Il semble qu'ils en aient discuté entre eux et que la conclusion de leur débat soit de dire 'il n'y a pas de 1er mai unitaire prévu'".

Le dernier coup de boutoir est venu de la CFE-CGC (syndicat de l’encadrement). La "convergence des luttes nuit à l'efficacité syndicale" et comporte "beaucoup trop de risques" de mélange des genres avec le politique, a estimé jeudi son président François Hommeril. Selon lui, "pour une organisation syndicale, le fait qu'il y ait un amalgame de positions de partis politiques, identifiées comme telles, avec des positions syndicales (…) ça nuit à l'efficacité syndicale". La perspective de voir les grands syndicats s’unir face à Emmanuel Macron s’éloigne déjà.