Mobilisation nationale : la "convergence des luttes" est-elle en marche ?

Les syndicats continuent de croire au printemps social.
Les syndicats continuent de croire au printemps social. © AFP
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La CGT appelle à une nouvelle journée de mobilisation nationale jeudi. SNCF, personnels des Ehpad, secteur de l’énergie, fonctionnaires, étudiants : la convergence des luttes se dessine.

SNCF, Air France, fonctionnaires, Ehpad, universités… Alors que les journées d'actions sectorielles se multiplient, la CGT et Solidaires organisent jeudi une mobilisation nationale interprofessionnelle, dans l'espoir de former un front unique contre la politique du gouvernement : la fameuse "convergence des luttes". Dans ce but, plusieurs manifestations sont organisées en France et rassembleront salariés du public et du privé, ainsi que des étudiants.

La dernière mobilisation interprofessionnelle remonte au 16 novembre dernier. Point final d'un mouvement infructueux contre la réforme par ordonnances du code du travail, elle avait attiré 80.000 manifestants dans les rues de France, selon la police (la CGT avait recensé 40.000 personnes à Paris uniquement). Depuis, les mobilisations, organisées sur des mots d'ordre sectoriels, ont changé de dimension : le 22 mars, 323.000 personnes ont participé aux cortèges des fonctionnaires et des cheminots, selon la police, "plus de 500.000" selon la CGT. Cette fois, le défilé parisien quittera Montparnasse à 14h pour la place d'Italie.

Transports et services publics au ralenti

La colère monte dans de nombreux secteurs et entreprises et le "printemps social" espéré par les syndicats commence à prendre forme. La grève de deux jours sur cinq à la SNCF contre la réforme ferroviaire souhaitée par le gouvernement est encore sur les rails (20% de grévistes mercredi). La journée de jeudi était de toute manière inscrite comme jour de grève, selon le calendrier décidé par les syndicats. Avec la mobilisation en sus, des perturbations plus importantes que lors des derniers jours sont à prévoir.

Toujours dans le secteur des transports, les salariés de la RATP débrayent à partir de mercredi 22h jusqu’à samedi 7h. La CGT et l’Unsa ont déposé un préavis pour participer à la journée de mobilisation et afficher leur soutien aux collègues de la SNCF. Métros, bus et tramways devraient circuler normalement en Île-de-France, mais des perturbations sont cependant prévues sur les lignes A (trois trains sur quatre) et B du RER (un train sur deux).

Les fonctionnaires, qui défendent aussi leur statut, se joindront aux cortèges, avant d’organiser leur deuxième journée de mobilisation unitaire le 22 mai. Ces appels par la totalité des syndicats de fonctionnaires sont inédits depuis dix ans. Résultat, des débrayages sont prévus dans les écoles, collèges et lycées ainsi qu’à La Poste. Le secteur de la santé est également mobilisé : les personnels des Ehpad, mobilisés depuis fin janvier contre la réforme du financement des maisons de retraite médicalisées, sont conviés jeudi.

Grogne, grèves et blocages

Avec cet appel à la mobilisation, les syndicats CGT et Solidaires veulent capitaliser sur les multiples mouvements de contestation en cours et tenter de les agréger. Le conflit social chez Air France n’a ainsi toujours pas trouvé d’issue. Les personnels de la compagnie, qui réclament une revalorisation salariale générale, ont bouclé mercredi leur neuvième jour de grève depuis février et deux autres journées sont déjà programmées les 23 et 24 avril.

Dernier arrivé : le secteur de l’énergie. La FNME-CGT, première organisation syndicale dans l'énergie, a annoncé mercredi son intention de faire grève jusqu'à la fin juin "pour gagner un nouveau service de l'électricité et du gaz", avec des actions comprenant "des coupures ciblées", a indiqué son secrétaire général Sébastien Menesplier. Ces actions peuvent être "des coupures ciblées, en direction des entreprises où les employeurs licencient" ou "criminalisent l'action syndicale", ou encore "des actions de baisse de production de l'électricité et de gaz qui peuvent commencer dès ce soir", a-t-il dit.

Mais la grogne n'est pas cantonnée au monde du travail. Plusieurs universités (Tolbiac, Nanterre, Montpellier, Strasbourg et même Sciences Po) connaissent des occupations et des blocages, dans le cadre d'une mobilisation contre la réforme "Parcoursup", accusée d'instaurer la "sélection" à l'entrée à l'université. Pile 50 ans après mai 68, les syndicats misent sur la colère des étudiants pour dynamiser le mouvement de contestation.

 

"Première étape" avant le 1er mai

Alors qu’Emmanuel Macron a réfuté dimanche toute "coagulation" des "mécontentements", la CGT et Solidaires veulent lui prouver le contraire. Dans l'esprit de ses initiateurs, la journée du 19 avril n'est qu'une "première étape" avant un 1er mai qu'ils souhaitent "unitaire". Une possibilité qui semble hors de portée, la CFDT et FO y étant réfractaires. "La convergence des luttes, ce n'est pas la tasse de thé de la CFDT. Pour une raison simple : c'est qu'elle ne permet jamais d'avoir des résultats concrets pour les travailleurs", déclarait fin mars Laurent Berger, numéro un de la CFDT.

Quant à Force ouvrière, en première ligne en 2016 contre la loi El Khomri, elle a revu sa position depuis l'élection d'Emmanuel Macron. L'arrivée de Pascal Pavageau à la tête du syndicat le 27 avril pourrait néanmoins changer les choses. Celui qui va succéder à Jean-Claude Mailly a déjà mis en garde le gouvernement contre des mouvements qui pourraient devenir "de plus en plus interprofessionnels". La convergence des luttes n’est donc encore qu’un rêve pour les syndicats. Mais ses contours se précisent…

Comme le 22 mars, en plus des chiffres de la police et des organisateurs, un collectif de médias, dont Europe 1, publiera son propre comptage des manifestants à Paris et Marseille, réalisé par le cabinet Occurrence.