Mickey, son comité d’entreprise et ses dérives

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CUISINE INTERNE - La justice devrait juger trois anciens salariés du comité d’entreprise d’Euro Disney, accusés d’avoir détourné 413.000 euros.

Depuis 2010 et une première comparution devant le tribunal correctionnel de deux membres du comité d’entreprise (CE) d’Euro Disney, on savait que tout n’était pas si rose chez Mickey. Mais subodorant des dérives plus importantes, le juge avait demandé un supplément d’enquête. Cinq ans plus tard, le juge d’instruction chargé de ce travail a fini ses investigations et rendu son rapport. Un document que Le Parisien s’est procuré et qui pointe de très nombreux abus. Les trois personnes incriminées risquent donc de se retrouver devant la justice pour expliquer comment près d’un demi-million d’euros aurait disparu des caisses du CE.

Les étranges pratiques de trois salariés. Dans un document de 25 pages, le juge d’instruction revient sur les mœurs en vigueur au sein du CE d’Euro Disney sur la période 2006 - 2009. Le secrétaire général du CE de l’époque, Amadou N’Diaye, y est accusé d’avoir fait disparaitre une partie des recettes de la billetterie, avec la complicité du coordinateur de l’époque, Raymond Myon. Et Le Parisien de préciser : "des caissières relatent que, chaque soir, elles devaient lui remettre leurs fonds de caisse. Parallèlement, Raymond Myon avait pour mission de modifier les recettes dans le logiciel comptable, qu’il était le seul à maîtriser".

Résultat, une partie des recettes aurait disparu tandis que les comptes bancaires d’Amadou N’Diaye étaient étrangement alimentés par d’importants versements en liquide. Sommé de s’expliquer sur cette situation comptable, son avocat évoque des crédits renouvelables souscrits par son client, avant de pointer du doigt l’un des autres accusés, Raymond Myon : "Raymond Myon a acheté plusieurs biens immobiliers, les revendant peu après en faisant une importante plus-value. Comme a-t-il pu les payer ? ".

Quant au troisième accusé, Houda Gaabour, le juge d’instruction le soupçonne d’avoir fait disparaitre une partie des documents comptables du CE et se demande s’il n’a pas, lui aussi, bénéficié de contreparties.

Que fera Euro Disney en cas de procès ? Les conclusions du juge d’instruction sont sans ambiguïtés : il demande le renvoi en correctionnel des trois hommes. Un procès qui devrait bien avoir lieu, la justice en ayant déjà organisé un en 2010, avant de demander une enquête plus approfondie.

Reste à savoir quelle attitude adoptera l’entreprise. La direction assure avoir, dès les premières alertes, demandé plusieurs audits. Mais elle s’est également montrée compréhensive pour compenser les pertes du CE : elle a "accordé en mai 2009 un versement exceptionnel de 500.000 euros pour que le CE renfloue ses comptes", une "première" dans l'histoire de Disney", rappellait en 2010 Daniel Rovedo, élu au CE et délégué syndical CFDT.

 

Quand les comités d’entreprise dérapent. Le comité d’entreprise d’Euro Disney n’est pas le seul à être soupçonné de graves dérives, d’autres cas ont récemment défrayé la chronique. L’une des affaires les plus emblématiques concerne le CE d’EDF, dont huit anciens membres ont été condamnés pour détournements de fond, abus de confiance,  recel et complicité de recel. Ce comité d’entreprise hors norme, le plus riche de France, a notamment servi à financer des emplois fictifs, notamment au bénéfice de la CGT, mais aussi des prestations fictives, dont une partie à bénéficié au journal L’Humanité et à son rendez-vous annuel, La Fête de l’Humanité. Verdict : des peines de 2 mois à 18 mois avec sursis et à des amendes de 4.000 à 75.000 euros, une addition qui aurait pu se corser si EDF s’était portée civile et si le CE d’EDF avait demandé des réparations financières.

Au sein du CE de l’ANPE du Var, c’est le trésorier qui a été condamné en 2009 pour avoir détourné 18.000 euros en un an. Des détournements également pointés du doigt au sein du CE d’Air France, qui fut même placé en redressement judiciaire en avril 2013. Un rapport parlementaire y dénonçait aussi des surfacturations fréquentes, des destructions d’archives ou encore le financement d’activités politiques sans rapport avec la mission du CE. Le CE de la RATP a, lui, même fait l’objet en 2011 d’un rapport de la Cour des comptes qui dénonce une gestion opaque et des "dysfonctionnements généralisés". Autant de dérives qui ont conduit le législateur a réformer les règles comptables qui s’imposent aux CE.