Météo France en grève : pourquoi ce n'est pas anodin

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Ses employés étaient en grève jeudi pour dénoncer de nouvelles suppressions de postes, un mouvement social loin d’être anodin tant la météo est devenue centrale dans de nombreuses activités. 

Nombre de voyageurs qui devaient prendre un avion ce jeudi l’ont appris à leurs dépens : une bonne partie des équipes de Météo France étaient en grève, provoquant de nombreux retards dans les aéroports. Et l’aviation est loin d’être la seule à avoir vivement ressenti ce mouvement social, tant Météo France joue un rôle important, mais souvent méconnu, dans de nombreux secteurs. L’occasion de se pencher sur les origines de cette grève et sur les très nombreuses missions de cet établissement public.

Un dialogue social qui vire au dialogue de sourd. "Gestion ’à la petite semaine’", "politique de non recrutement suicidaire", "organisation de la prévision démolie sans état d'âme et sans justification scientifique ou technique crédible", etc. : le dialogue social est plus que compliqué chez Météo France, comme le montrent ces extraits d’un communiqué de Force Ouvrière Météorologie (SNITM-FO). Signe que le climat est tendu, le dernier conseil d’administration a même été boycotté par les représentants des organisations syndicales, une première depuis 1995. Les employés de Météo France étaient donc invités à faire grève jeudi pour montrer leur mobilisation et inciter la direction à faire des concessions. Mais au fait, quelles sont les raisons de cette grève ?

Suppressions de postes et fermetures de centres en cascade. De par son statut d’établissement public, Météo France a dû, comme le reste de l’administration, appliquer la Révision générale des politiques publiques (RGPP) entre 2008 et 2012 : en clair, un départ à la retraite sur deux n’a pas été remplacé. Sauf qu’en raison de la pyramide des âges au sein de l’entreprise, les départs ont été nombreux et risquent de l’être encore pendant une dizaine d’années. Selon les estimations de la CGT Météo, près de 1.200 départs sont prévus d’ici 2025 sur un effectif total d’un peu plus de 3000 salariés. Profitant de cette mutation et des conseils de la Cour des comptes, la direction et l’Etat ont décidé de fermer de nombreux centres départementaux, renforçant le sentiment de désorganisation et la grogne parmi les employés. Et la promesse que les nouvelles technologies permettraient de compenser ces baisses d’effectifs n’a visiblement pas convaincu.

"Il y avait 108 centres en 2008, avec au moins un par département. Fin 2016, il n’en restera que 53, c’est-à-dire la moitié. En comptant les 93 suppressions de postes prévues l’an prochain, nous aurons alors perdu plus de 500 emplois sur cette période", résume pour Europe 1 Benoît Dumont, prévisionniste à Lannion et membre du bureau national de la CGT Météo. Et ce dernier d’ajouter : "c’est une baisse d’effectifs plus forte que dans le reste de l’administration, où la baisse a été d’environ 2,5% par an. On va atteindre la taille critique". Les organisations syndicales réclament donc la fin des réductions d’effectifs et de nouveaux recrutements pour faire face aux nombreux départs à la retraite à venir.

11.12.Bandeau Meteo France Europe.METEO FRANCE;1280.400

Météo France, ce n’est pas qu’un bulletin météo. De prime abord, on pourrait considérer cette transformation en cours chez Météo France comme secondaire. Il n’en est rien car l’établissement public ne se contente pas de faire des prévisions météo et des cartes de vigilance : il joue un rôle prépondérant dans de nombreux secteurs, comme l’a montré la grève de jeudi.

Il y a d’abord le secteur des transports, très dépendant des conditions climatiques en mer mais aussi et surtout dans les airs. "L’aéronautique reste notre premier utilisateur, à la fois pour les conditions de vol mais aussi pour l’optimisation des trajets. Car au-delà de l’aspect sécurité, notre travail a de plus en plus une dimension économique : nous localisons par exemple les courants-jet", précise Benoît Dumont. Pris dans le bon sens, ces courants d’air permettent de consommer moins de kérosène. "On travaille aussi avec la SNCF sur les motrices TGV. Il y a des conditions de température précises, il faut donc commencer à faire chauffer les moteurs plus ou moins à l’avance selon les conditions météo", ajoute-t-il.

EDF a également recours à des prévisions sur mesure, par exemple pour anticiper les vagues de froid et se préparer à un bond de la consommation d’électricité. De même, l’électricien a besoin de prévisions très localisées pour gérer ses barrages hydrauliques. Secteur très dépendant des conditions climatiques, le bâtiment peut aussi bénéficier de bulletins spécialisés pour optimiser la gestion des chantiers. Sans oublier les fabricants de glaces ou de boissons, qui reçoivent des indicateurs élaborés particulièrement pour eux afin de savoir quand lancer la production en amont d’une vague de chaleur.

11.12.Bandeau Aviation avion meteo orage nuage.REMY GABALDA  AFP.1280.400

"En pleine COP21, ce n’est pas un message positif". Dernier exemple, l’agriculture. "Dans l’Eure-et-Loire, on travaillait avec les agriculteurs et les irrigants pour qu’ils apportent juste ce qu’il faut de produits phytosanitaires en fonction du taux d’humidité. On a également aidé à optimiser les prélèvements dans les nappes phréatiques", témoigne Benoît Dumont.

Dans un monde qui fonctionne en 24/24 et s’affranchit des conditions météorologiques, l’observation du climat est donc devenue centrale. "L’organisation mondiale de la météorologie, qui dépend de l’ONU, estime qu’un euro investi dans la météo fait économiser 7 euros à la société", résume le représentant syndical, avant de conclure : "le département recherche, qui avait été jusque là préservée, commence lui aussi à être remis en cause. En pleine COP21, ce n’est pas un message positif".