Messier, grandeur et décadence

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Celui qui fut l’icône du business français est jugé dès mercredi pour sa gestion de Vivendi Universal.

Il est loin le temps où Jean-Marie Messier était à la une des médias, son visage rond aux allures d’éternel enfant érigé en icône du business français triomphant. Mercredi, l’ancien patron de Vivendi Universal comparait bien moins fringuant devant la justice française : l’homme d’affaire n’est plus que le patron d’une société de conseil, Messier Partners.

Les faits qui lui sont reprochés le renvoient à son pouvoir perdu : il doit répondre de "diffusion d'informations fausses ou trompeuses, de manipulation de cours et d'abus de biens sociaux". J2M, 53 ans, comparaîtra aux côtés de cinq anciens hauts responsables de Vivendi Universal et d’un cadre d'établissement financiers.

Des privatisations au privé

Ancien élève de Polytechnique et de l'ENA, ce natif de Grenoble débute en tant qu’inspecteur des finances, avant de devenir en 1986 le plus jeune directeur de cabinet de la Ve République, celui du secrétaire d'Etat aux Privatisations, Camille Cabana.

Il est ensuite nommé conseiller du ministre de l'Economie, Edouard Balladur, en charge du dossier très stratégique des privatisations. C’est là qu’il tisse son réseau et prépare la suite de sa carrière, qui se fera au sein de la Compagnie Générale des Eaux, l’ancien nom du groupe Vivendi.

Vivendi, la folie des grandeurs

C’est à la tête du groupe Vivendi que Jean-Marie Messier va mener ses plus importantes opérations économiques. La convergence est alors sa grande idée : il souhaite rapprocher la gestion des tuyaux de l’information (Téléphonie, Internet) avec la production de contenus (label de musique, production cinéma, chaine de télévision…).

Pour atteindre son but, il multiplie les acquisitions pour des montants parfois colossaux. La fusion en 2000 avec Seagram lui permet d'acquérir les studios de cinéma Universal. Son groupe, rebaptisé Vivendi Universal, est désormais numéro deux mondial des médias. L’homme d’affaire multiplie alors les interviews et les plateaux télé.

Mais l’entreprise ne survit pas à cette croissance accélérée, qui a fait exploser son endettement. En mars 2002, elle annonce une perte de 13,6 milliards d'euros pour l'année 2001, alors que son patron ne cesse de répéter que tout va bien. Quatre mois plus tard, celui qui se fait désormais appeler "J6M", ("Jean-Marie Messier moi-même maître du monde, un surnom inventé par les Guignols de l'Info) est finalement poussé à la démission.

La chute

Depuis son éjection de Vivendi Universal, J6M est redevenu Jean-Marie Messier, mais son ancienne vie lui vaut bien des tracas judiciaires. Déjà condamné par l'Autorité des marchés financiers à une amende de 500.000 euros, il a comparu en novembre dernier lors d'un procès en action collective engagée aux Etats-Unis par des actionnaires ruinés. Finalement blanchi le 29 janvier, il a reconnu avoir "commis des fautes", mais des "fraudes, jamais, jamais, jamais".

C’est certainement le même discours qu’il tiendra tout au long de ce nouveau procès, car "dans sa tête" l'affaire Vivendi "est terminée". Mais les employés du groupe licenciés et les actionnaires qui ont beaucoup perdu n’ont, eux, sûrement pas tourné la page.