Médecins généralistes, urgences : Noël sous le signe de la grève

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BRAS-DE-FER - Les urgentistes réclament de meilleurs conditions de travail, les médecins s'opposent au tiers payant.

Les professionnels de santé seront indisponibles cette semaine, voire jusqu'au jour de l'an : les mouvements de grève vont se succéder, touchant tour à tour les urgences, les médecins généralistes puis les spécialistes. Mais quels sont  leurs griefs ? Et les Français trouveront-ils quelqu'un pour les soigner ?

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© PASCAL PAVANI/AFP

Les urgences veulent de meilleures conditions de travail. L'Association des médecins urgentistes de France (Amuf) appelle à la grève illimitée à partir de lundi. Elle table sur un taux de "80% de grévistes". Toutefois, pas de panique pour lundi: les urgentistes peuvent être assignés et, surtout, la grève consistera à porter un "badge".

Dans le viseur des médecins urgentistes : les conditions de travail et les rémunérations. La profession, qui dénonce des conditions de travail pénibles, souhaite une réduction du temps de travail à 48 heures hebdomadaires, contre une soixantaine actuellement, ainsi que la valorisation de leurs heures supplémentaires et l'harmonisation des rémunérations pour les gardes.

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Les médecins refusent la généralisation du tiers payant. Les généralistes libéraux sont appelés à faire grève à partir de mardi par la plupart des syndicats puis mercredi par la puissante confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Leur mouvement pourrait durer jusqu'au 31 décembre. D'autres syndicats de spécialistes, comme les cardiologues, radiologues ou pédiatres, invitent à garder porte close sur la même période.

Les médecins s'opposent à certains points du projet de loi Santé, dont l'examen débutera en 2015, et notamment à la généralisation du tiers payant d'ici 2017. Ce système, qui permet au patient de ne pas avancer d'argent, existe déjà pour certaines catégories de patients, notamment les bénéficiaire de la Couverture maladie universelle (CMU). Mais les médecins refusent sa généralisation pour plusieurs raisons : d'abord car ils redoutent que les patients aillent consulter à la moindre occasion puisqu'ils auront l'impression que cela ne coûte rien. Ensuite et surtout car ils savent que la part jusqu'à présent acquittée par les patients ne leur sera versée qu'avec beaucoup de retard par la Sécurité sociale.En effet, aujourd’hui déjà, la prise en charge des bénéficiaires de la CMU leur est remboursée en retard voire pas du tout quand la Sécurité sociale estime que cela n'était pas justifiée.

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© DOMINIQUE FAGET/AFP

Et bientôt les cliniques privées ? Le mécontentement ne faiblira pas avec l'arrivée de 2015, car la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), opposée au projet de loi Santé, appelle les cliniques à une grève illimitée à partir du 5 janvier. Ces dernières contestent la future loi santé car cette réforme prévoit que les établissements ne pourront plus assurer à la carte l'une ou la totalité des 14 missions de service public (urgences, permanence des soins, formation...) : ils devront assurer intégralement ces obligations, le tout au tarif fixé par la sécurité sociale, c'est-à-dire sans dépassement d'honoraires.

Car aujourd'hui, les cliniques privées choisissent à la carte les missions de service public qu'elles effectuent. Et comme leur objectif est de gagner de l'argent, elles ont tendance à ne proposer que les soins rentables, ce qui aggrave la situation financière des hôpitaux publics qui récupère tout le reste des patients. Les cliniques demandent donc le statu quo, c'est-à-dire pouvoir assurer les missions de service public qui les intéressent et des dépassements d'honoraires pour le reste.

Ce qui a fait dire à la ministre de la Santé Marisol Touraine que les cliniques veulent "le beurre et l'argent du beurre" : "ce qu'ils demandent, c'est pouvoir pratiquer leur exercice dans les conditions qu'ils souhaitent et en même temps bénéficier d'une étiquette service public hospitalier. Ce que je veux moi, c'est que les patients, lorsqu'ils poussent la porte d'un établissement de santé, ils connaissent les conditions dans lesquelles ils vont être soignés : si c'est le service public hospitalier, ils savent qu'il n'y aura pas de dépassements d'honoraires, s'ils poussent la porte d'une clinique, ils savent qu'ils doivent discuter avec les médecins, pour savoir à quelles conditions ils doivent être soignés", a-t-elle précisé le 12 décembre.

La ministre de la Santé promet un service minimum. Face à cette grogne généralisée, mais pour des raisons différentes, Marisol Touraine a reporté l'examen de sa future loi Santé au printemps et relancé le dialogue avec le corps médical début décembre. Mais ce dernier reste très compliqué.

Et pour rassurer les patients, le ministère de la Santé assure que les précautions nécessaires sont déjà prises au niveau des Agences régionales de santé pour réquisitionner les médecins en fonction des besoins.Selon Marisol Touraine, les patients "trouveront à se faire soigner" pendant les fêtes. D'ores et déjà, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a demandé à tous ses groupes hospitaliers d'activer le "niveau 2" du plan "hôpital en tension", pour parer aux retombées de la grève des médecins libéraux et des épidémies pendant les fêtes. Il y a trois niveaux de vigilance et le deuxième consiste à la mise en place dans chaque groupe hospitalier d'une cellule de crise pour faire le point quotidiennement sur les effectifs, les tensions éventuelles et les lits disponibles.

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