Louis Gallois : "Le contrat social est sous-exploité en France"

© Europe 1
  • Copié
Noémi Marois , modifié à
GRAND RENDEZ-VOUS - Louis Gallois, président du Conseil de Surveillance de PSA Peugeot-Citroën, était l'invité dimanche du Grand Rendez-Vous d'Europe 1-Le Monde-iTélé.  

La marque au lion respire en ce début d'année 2015. Le groupe automobile français, qui a connu des ventes de véhicules en hausse de 4,3% en 2014, a en effet effectuer son retour dans le CAC 40 lundi. Et s'il a déjà délocalisé dans le passé des usines d'assemblage en Espagne et en Slovaquie, il a fait le choix de l'excellence française en investissant 60 millions d'euros sur un site mosellan pour la production de 200.000 moteurs à partir de 2018. Louis Gallois, président du Conseil de Surveillance de PSA Peugeot-Citroën, revient sur ces bonnes nouvelles, sur les perspectives du groupe et sur l'état de l'économie française avec Alexandre Kara d’Europe 1, Arnaud Leparmentier du Monde et Michaël Darmon d’iTÉLÉ. 

Une industrie en Lorraine. "Suite à une analyse technique entre les sites", le site de Trémery en Lorraine a été sélectionné pour produire 200.000 moteurs à partir de 2018. L'avantage du site mosellan ? "Il est très bien placé sur le plan logistique et est au centre du dispositif industriel de PSA". Louis Gallois salue par ailleurs les efforts de tous les partenaires : les personnels qui ont accepté un nouveau contrat social ainsi que les collectivités locales qui participent financièrement à l'investissement. Le site français a été vu comme le plus compétitif, se félicite Louis Gallois.

Un signe de la reprise de l'économie française ? "La compétitivité, c'est une affaire de long terme, on a mis 10 à la perdre, on mettra 10 ans à la retrouver", tempère le responsable de PSA Peugeot-Citroën. Selon lui, "il faut être persévérant". Et de faire appel à une métaphore : "on voit quelques hirondelles, j’espère qu'elles annoncent le printemps". 

Usine ouvrier PSA Peugeot-Citroën 1280x640

© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Coûts, salaires et innovation. "Les effort sur les coûts de la part du gouvernement me paraissent être importants" avec les 40 milliards d'euros de réductions de charges ou d'impôts du CICE, ce qui "est considérable". Il attire cependant l'attention sur les salaires qui "ne doivent pas augmenter plus vite que la productivité". Les salaires "doivent donc être tenus", propose-t-il. Le CICE, par exemple, ne doit pas servir à augmenter les revenus des salariés, juge-t-il. 

Mais ce qui peut faire gagner la France, c'est l'investissement dans l'innovation, estime-t-il. Selon lui, l'Hexagone ne doit pas suivre l'exemple de l'Espagne qui a fait le choix de baisser fortement les salaires et qui a décidé de devenir l'atelier de l'Europe". La France doit plutôt faire le choix de proposer des produits de qualité. "Quand vous achetez des pneus Michelin, ce n'est pas parce qu'ils sont moins chers, c'est parce qu'ils sont meilleurs que les autres", explique-t-il.

Le contrat social, clef de la réussite ? L'entrée de l'Etat et du chinois Dongfeng dans le capital de PSA Peugeot-Citroën a apporté de l'argent frais mais cela n'a pas été décisif, estime Louis Gallois. Le président du Conseil de surveillance salue surtout l'arrivée déterminante du dirigeant Carlos Tavares ainsi que l'attitude des salariés qui ont accepté "un nouveau contrat social" avec "des augmentations de salaire limitées en échange de la sécurisation des sites". Le constructeur français a pu ainsi se redresser grâce à ce "très bon modèle".  Mais "la notion du contrat social dans l'entreprise est sous-exploitée en France", déplore-t-il. Pourtant, il permet de "parler de l'avenir de l'entreprise et de ses emplois". Il regrette aussi que le dialogue social "manque de maturité" dans l'Hexagone. 

PSA est déjà revenu au bénéfice et a divisé par quatre sa perte nette en 2014. Mais "en 2018", c'est "2% du chiffre d'affaires en bénéfice" qui doivent être atteint. "L'Etat est actionnaire" parce que "ça aide l'entreprise" mais une fois l'entreprise repartit dans "une dynamique de croissance", "on verra", avance Louis Gallois. C'est à l'Etat de juger s'il reste utile ou pas.

Les atouts de la France pour "attirer des usines". Quant aux lieux d'assemblage, il faut de tout, estime Louis Gallois puisque "le monde est ouvert". Il se réjouit ainsi que PSA fabrique en France mais aussi à l'étranger. Mais la recherche, elle, ne doit pas forcément rester en France, faisant référence à un bureau d'étude de PSA à Shanghai qui développe des logiciels utiles peut-être "à des voitures fabriquées en France". La France, désert industriel par conséquent ? Louis Gallois rejette cette possibilité : "les entreprises s’internationalisent mais la France a des atouts pour attirer des usines chez elle". Le choix de Trémery pour construire des moteurs le démontre, avance-t-il. 

Il souligne cependant que certains secteurs industriels comme celui du nucléaire a "un problème". Il reste un atout pour l'Hexagone" mais il a besoin d'un direction "claire et précise" avec un rôle important à donner à l'EDF, avance-t-il. 

Mais à quand la vraie reprise ? Pour Louis Gallois, c'est "l'investissement " qui sera le meilleur signe de la reprise. Il faut que les chefs d'entreprise "prennent confiance". Pour cela, il propose 'l'amortissement dégressif", c'est à dire déduire des impôts les investissements faits dans l'entreprise, notamment dans les biens d'équipement. "Ce serait un signal de confiance", juge celui qui dit ne plus supporter "la morosité" qui règne en France. 

Pas de créations d'emplois sans croissance. "Il faut être au-delà des 1,5 % de croissance pour créer de l'emploi" et "on n'y est pas", avance Louis Gallois. La réduction du chômage arrivera "en dernier" et il préfère que l'investissement revienne en premier car au moins, il est "un signe d'une reprise sur le long terme".  

Les Français victimes de chômage de longue durée ? "Un drame national", estime Louis Gallois car c'est la porte ouverte à l'exclusion, surtout que si des emplois sont créés, "ce n'est pas eux qu'on ira chercher". Il réclame des mesures volontaristes, par exemple "des contrats de professionnalisation" pour les réintroduire dans le monde du travail. 

>> ECOUTER AUSSI - PSA de retour dans le CAC 40 

>> LIRE AUSSI - Comment PSA Peugeot Citroën est sorti de la tourmente