Les travailleurs détachés : la fausse bonne idée du BTP

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Alexis Toulon , modifié à
TEMOIGNAGE E1 - Un entrepreneur a été tenté par les tarifs attractifs des travailleurs détachés, mais a été déçu par le travail fourni. 

Les ministres des Affaires sociales européens se retrouvent à Bruxelles lundi. Au cœur des débats : le statut des travailleurs détachés. La France pèse en effet de tout son poids pour parvenir à un accord lors de ce sommet, avant le Conseil européen des 19 et 20 décembre. Les trois quarts des Français considèrent que cette mesure est "plutôt une mauvaise chose, car cela favorise le recours à des salariés originaires de pays qui n'ont pas un système social aussi généreux que le nôtre", selon un sondage BVA. Au micro d’Europe 1, Philippe Deveau, patron de la société Médiane à Aix-en-Provence et ancien employeur de travailleurs détachés, critique une mesure qui pénalise, selon lui, l’emploi et la qualité du travail.

De belles économies en perspectives. L’avantage des travailleurs détachés est de fournir une main d’œuvre payée au salaire minimum, mais avec des charges sociales soumises au droit de leur pays d’origine, souvent plus faibles que les charges françaises. Et dans le BTP, "la main d'œuvre correspond à 40% du prix de vente", selon Philippe Deveau. Avec des travailleurs détachés qui coûtent 30% moins cher, au final c’est 10% de rabais sur la facture pour le client, et de nouveaux marchés pour le patron, détaille l’entrepreneur. Philippe Deveau a donc fait appel à des intérimaires d’une société basée en Pologne. Même s’il reconnait qu’il "y a un problème de coût du travail en France, mais aussi dans ces pays-là".  

Un bilan assez peu positif. La baisse des prix est un avantage financier indéniable… sauf quand il se fait au détriment de la qualité. "Ces personnes n'étaient pas aussi professionnelles que mes salariés, d'où une perte de productivité et de qualité", assure Philippe Deveau. Or, pour une petite entreprise, le meilleur moyen de se différencier n’est pas la concurrence par les prix, mais la qualité. "Je ne peux déraper dans mes plannings ou lorgner sur la qualité habituelle : au bout de deux mois et demi, ces salariés détachés sont rentrés chez eux", explique le patron de Médiane.

Une concurrence déloyale qui fait mal. Le BTP est un secteur où les chefs d’entreprise font peu de marge. "Seulement 1%", assure Philippe Deveau. La guerre des prix permise par les travailleurs détachés frappe donc de plein fouet un secteur qui pourtant a besoin de main d’œuvre. "Je fais un plan de licenciement actuellement : je ne suis plus capable de maintenir ma structure et de faire travailler les personnes qui sont dans mon équipe depuis onze ans", confie le patron. Et de conclure : "C'est catastrophique de vouloir employer ces salariés-là : ça oblige à détruire notre outil. Nos employés, on les forme depuis longtemps, on les structure : c'est un pan de notre métier qui part au chômage."

 
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