Les sociétés d’autoroutes préparent leur contre-attaque

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avec Emmanuel Duteil
TOUCHE PAS AU GRISBI - Le gouvernement veut convaincre les gestionnaires d’autoroutes à ne plus augmenter leurs tarifs.

Jusqu’à cette semaine, le ton restait cordial et les échanges feutrés. Mais depuis que le gouvernement a annoncé mardi qu’il suspendait la hausse des tarifs prévue au 1er février, le ton a radicalement changé : les sociétés d’autoroutes sont désormais sur le pied de guerre et promettent de défendre leurs intérêts de toutes leurs forces. D’abord pour obtenir l’augmentation des tarifs qui était prévue cette année et ensuite, voire surtout, pour protéger leurs contrats de concession.

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Le ton monte entre l’Etat et les gestionnaires d’autoroutes. Malgré une très faible inflation, les tarifs des autoroutes étaient censés augmenter de 0,57% en moyenne en février 2015. Bien que cette hausse ait été validée par l’Etat, le gouvernement a décidé de revenir sur sa décision et de "suspendre" cette hausse, le temps de réfléchir à l’avenir des concessions d’autoroutes. Sans surprise, les gestionnaires d’autoroutes réclament leur dû.

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Vinci, Eiffage & co ont le droit pour eux. Peu importe que l’Autorité de la concurrence ou la Cour des Comptes jugent les contrats de concessions déséquilibrés en défaveur de l’Etat et aillent jusqu’à parler de rente : l’Etat a signé un contrat avec les sociétés d’autoroutes et doit donc le respecter.

"Ne pas appliquer les augmentations de tarifs, c’est ne pas respecter le contrat et c’est donc envoyer un signal qui est très préoccupant sur la confiance qu’on peut placer dans ces contrats", a réagi Pierre Coppey, président de l'Association des Sociétés Françaises d'Autoroutes (Asfa), au micro d’Europe 1. Et ce dernier d’ajouter : "nous préférerions un accord. Si l’accord n’est pas possible, nous demandons au juge de faire respecter les contrats sur la base desquels nous avons investi, sur la base desquels nous nous sommes lourdement endettés".

La crème des avocats prépare son argumentaire. Les gestionnaires d’autoroutes menacent donc de lancer une "procédure contentieuse" contre l'Etat, en saisissant le Conseil d’Etat. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les sociétés concessionnaires préparent leur défense, et pas n’importe comment : interrogé par Europe 1, l’une d’entre elles a affirmé que les trois meilleurs avocats de droit public en France travaillent déjà sur le dossier et se disent certains de gagner. Visiblement conscient de ce rapport de force défavorable, le gouvernement souhaite négocier un accord avant que la justice ne tranche.

Les sociétés d’autoroutes peuvent compter sur leurs relais. Dernier atout des sociétés d’autoroutes, et pas des moindres : leurs solides réseaux dans le monde politique et l’administration. Filiales pour la plupart des géants français du BTP Eiffage et Vinci, ainsi que de l'Espagnol Abertis, les sociétés concessionnaires pèsent lourd : financièrement, mais aussi en terme d’emplois. Elles savent donc trouver des oreilles attentives dans toutes les régions où elles opèrent. Et si cela ne suffit pas, elles peuvent compter sur les nombreux contacts des anciens préfets ou fonctionnaires de l’administration centrale qu’elles ont embauchés. Même si l'Asfa assure qu’il "n’existe plus un cas avéré (de pantouflage, ndlr) depuis la privatisation".