Les pratiques hors-jeu des auto-écoles

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AU VOLANT - Tarification incomplète, taux de réussite mensongers : l’UFC-Que Choisir dénonce les pratiques du secteur. 

Toute personne qui a déjà passé son permis de conduire le sait : cette étape ne s’improvise pas et coûte cher, surtout lorsqu’on est lycéen ou étudiant. Le gouvernement a bien tenté de libéraliser le secteur avec la loi Macron, mais le changement n’est visiblement pas encore pour maintenant : dans une étude publiée mercredi, l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir dénonce "les failles béantes de l’actuelle réglementation et la persistance de mauvaises pratiques". Et celles-ci sont nombreuses.

Des tarifs rarement affichés. Apprendre à conduire et passer son permis coûte cher, surtout lorsqu’on vient d’avoir 18 ans et qu’on ne gagne pas encore sa vie. Le prix de cette formation est donc un élément central pour choisir une auto-école, sauf que toutes ne jouent pas le jeu. L’étude de l’UFC Que Choisir montre que 20,5% des établissements n’affichent pas le prix du forfait de base sur leur devanture, alors même que la loi les y oblige. Et même lorsque ces tarifs sont affichés, ils sont souvent incomplets : certaines prestations obligatoires, tels que les frais de dossier, ne sont pas toujours inclus.

Très cher accompagnement aux épreuves. Depuis la loi Macron de 2015, les auto-écoles ne peuvent plus faire payer des frais de présentation aux épreuves du permis : seul le fait de mobiliser une personne et un véhicule pour accompagner les candidats peut être facturé. Et le montant de cette prestation est encadré : pour l’examen pratique du permis de conduire, ces frais ne doivent pas dépassé le prix d’une heure de conduite.

Dans les faits, l'application de la loi Macron reste très aléatorie. "La majorité des auto-écoles sont en infraction avec la loi. En effet, 51,2 % d’entre elles facturent des frais d’accompagnement à l’examen théorique général au-delà de la tarification d’une heure de conduite", souligne l’étude.

Un taux de réussite qui ne correspond pas à la réalité. Outre le prix, le taux de réussite d’une auto-école est l’autre critère que les consommateurs prennent en compte avant de choisir une auto-école. Sauf qu’en comparant les performances affichées et les résultats officiels, l’étude montre que les auto-écoles ont tendance à enjoliver leurs performances, qu’il s’agisse de l’épreuve théorique ou de l’épreuve pratique.

Concernant l’examen du code, "58,4 % des auto-écoles enquêtées font preuve d’une réelle incapacité à fournir aux consommateurs des données fidèles à la réalité", fustige l’UFC-Que Choisir. Plus une auto-école a de mauvais résultats, plus elle a tendance à tricher sur son taux de réussite, l’étude ayant même trouvé un cas extrême : "la palme revient à une auto-école qui ne s’étouffe pas quand elle annonce à nos enquêteurs un taux de réussite de 100 %... quand en réalité il est de 33 % !".

La situation n’est pas plus reluisante pour l’examen de conduite : "la part des auto-écoles qui fournissent des résultats conformes aux chiffres officiels se monte à seulement 41,9 %. On constate donc majoritairement, à 58,1 %, des approximations dans les informations fournies par les auto-écoles. Dans 18,2 % des cas, la déconnexion entre les faits et ce qui est prétendu est même totale !", insiste l’UFC-Que Choisir. Et comme pour l’épreuve théorique, plus le taux de réussite est bas, plus l’auto-école à tendance à exagérer ses performances.

Les plus chères ne sont pas les meilleures. Pour une formation de base de 20 heures, complétée par 15 heures de conduite supplémentaires, la facture est en moyenne de 1.804 euros. Au sein d’une même zone géographique,la logique voudrait que plus le tarif est élevé, plus le candidat est accompagné et a donc des chances de décrocher son permis. Sauf que  l’épreuve des chiffres relativise ce présupposé : dans chaque département, l’auto-école la plus chère affiche un taux de réussite de 62%, alors que la moins chère obtient un taux de réussite de 61%.

Le prix de la formation n’a donc pas d’incidence sur le taux de réussite, l’UFC-Que Choisir montrant même "que dans 51,3 % des cas l’auto-école la plus chère d’un département a un taux de réussite réel à l’examen pratique égal ou inférieur à celui de l’auto-école la moins chère !".

L’UFC-Que Choisir réclame des changements. Après avoir démontré les limites du système actuel, l'association de défense des consommateurs prône plusieurs réformes pour arranger la situation. Pour clarifier la tarification, l’UFC-Que Choisir demande à ce qu’une réforme oblige les auto-écoles à afficher le prix d’un forfait de base qui serait le même partout et permettrait donc de comparer les auto-écoles. Pour l'association, l’affichage du taux de réussite devrait également devenir obligatoire et, surtout, être contrôlé par la répression des fraudes pour éviter que certaines n’enjolivent la situation, comme c’est la règle aujourd’hui.

L’UFC-Que Choisir propose par ailleurs d’instaurer une nouvelle alternative en créant le statut d’"accompagnateur professionnel certifié". En effet, une partie des candidats ont besoin de plus que les 20 heures obligatoires, des heures supplémentaires qui font rapidement grimper la facture. Certains peuvent limiter la casse en louant une voiture à double pédale et en étant accompagné d’un conducteur expérimenté, sauf que ce type d’offre reste encore rare et suppose d’avoir un proche disponible. L'"accompagnateur professionnel certifié" pourrait donc prendre le relais des auto-écoles au-delà des 20 heures de formation obligatoires, à un tarif moins élevé.

L’association préconise en outre d’autoriser la création d’auto-écoles en ligne, avec l’espoir que leurs tarifs soient moins élevés : la formation au code de la route se ferait en ligne, permettant à l’auto-école de ne pas louer un local ou d’en réduire la taille. Dernière requête : ne plus donner aux auto-écoles la priorité pour obtenir un créneau de passage à l’examen pratique. Aujourd’hui, plus une auto-école est ancienne, plus elle dispose de places, ce qui favorise les acteurs les plus établis et freine la concurrence des établissements plus récents. Sans oublier que cette priorité accordée au auto-écoles handicape également les candidats libres, qui doivent attendre bien plus longtemps que la moyenne pour passer l’examen.

 

Comment bien choisir son auto-école ? Un consommateur averti en valant deux, l’UFC-Que Choisir a mis en ligne une carte interactive permettant de comparer les résultats des auto-écoles dans chaque région. Un code couleur permet d’identifier rapidement les bons et les mauvais élèves et donc de faire son choix en connaissance de cause.