Les expulsions suspendues pour l'hiver

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Sophie Amsili et Walid Berrissoul avec agences
La trêve hivernale débute mercredi à 21 heures. La situation s'aggrave, selon les associations.

Mercredi à 21 heures, les locataires menacés d'expulsion auront quelques mois de répit. La trêve hivernale débute véritablement le 1er novembre mais prend en réalité effet dès la veille au soir, les expulsions étant interdites entre 21 heures et 6 heures du matin. Jusqu'au 15 mars, les locataires ne pourront pas être expulsés, sauf en cas de squat, même si leur propriétaire a engagé une procédure judiciaire. Europe1.fr fait le point sur un phénomène dont les associations dénoncent l'aggravation.

Des chiffres en hausse. 113.669 décisions judiciaires d'expulsion ont été rendues en 2011, soit une hausse de 4% en un an et de 40 en dix ans, d'après les chiffres des ministères de la Justice et de l'Intérieur et cités par la Fondation Abbé Pierre. 12.760 expulsions ont eu lieu avec le concours de la force publique, une augmentation de 9% sur un an et un doublement en dix ans. Mais, d'après Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, le nombre de familles expulsées monte en fait à 50.000 "car beaucoup partent sous la pression des huissiers ou de gros bras, ou quittent leur logement en catimini, par honte".

La Fondation Abbé Pierre s'inquiète d'une "aggravation de la situation sociale" : "certaines permanences, qui accompagnent les familles, ont reçu autant de personnes au premier trimestre 2012 que pendant toute l’année 2011."

Un pic fin octobre. Comme chaque année, les associations dénoncent la hausse des expulsions dans les dernières semaines avant la trêve. "On intervient quand on a le concours de la force publique, mais souvent la préfecture ne nous l'accorde qu'en dernière minute", explique Patrick Safar, trésorier de la Chambre nationale des huissiers de justice.

Astrid Desagneaux, huissier a ainsi expulsé une dizaine de familles en 48 heures cette semaine, soit la moitié des expulsions qu'elle réalise dans l'année. Elle se veut optimiste : "Il y a énormément de possibilités de se sortir de cette situation en amont, explique-t-elle au micro d'Europe 1. Il faut que les gens osent affronter l'huissier, le commissaire de police, une assistante sociale. Il ne faut surtout pas qu'ils restent à faire les morts, c'est encore pire. (…) J'ai "sauvé" plusieurs personnes à qui j'ai fait violence pour qu'ils viennent me voir."

Les mesures annoncées. La ministre du Logement Cécile Duflot a promis il y a quelques jours "19.000 places supplémentaires" d'hébergement cet hiver, dont 330 places ouvertes en Ile-de-France. D'après de la Cour des comptes de novembre 2011, la France compte 82.890 places d'hébergement. C'est bien moins que le nombre de sans-abris dans le pays, estimé à 150.000 par les pouvoirs publics et les associations. Cécile Duflot a également annoncé en mai dernier que l'hébergement d'urgence sera prolongé jusqu'au 31 mai, après avoir été maintenu jusqu'au 22 mai cette année par le gouvernement Fillon.

Autre dispositif mis en avant par la ministre du Logement: la réquisition de logements vacants, permise par une ordonnance du 11 octobre 1945 pour lutter contre la crise du logement mais peu utilisée depuis les années 60. "S'il est nécessaire, je ferai appel à l'ensemble des moyens disponibles. La réquisition fait partie de cette panoplie", a déclaré lundi Cécile Duflot. D'après l'association Droit au Logement (Dal), qui cite des chiffres de l'Insee, 2,39 millions de logements et de locaux étaient vacants en France en 2011.