Les arrêts maladie vont être auscultés

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Si le nombre d’arrêts maladie est en baisse, ceux de longue durée se multiplient et coûtent de plus en plus cher.

Lestée par un déficit de 9,7 milliards d’euros, l’Assurance maladie multiplie les pistes pour réduire ses dépenses. Après avoir annoncé en mai un plan de lutte contre la fraude à la CMU, l’Assurance maladie a décidé de se pencher sur les arrêts maladie. Car si leur nombre diminue, la facture globale ne cesse de gonfler à cause des arrêts de longue durée. Une tendance que la Caisse nationale d’Assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) veut enrayer en contrôlant davantage les médecins et en accompagnant mieux les travailleurs en arrêt.

Le constat : moins d’arrêts mais plus de dépenses. En 2013, 4,7 millions de personnes ont bénéficié d’un arrêt maladie, la Cnamts recensant sur cette même période plus de 203,6 millions de journées indemnisées. Un an plus tard, le nombre de personnes placées en arrêt maladie  a reculé de 2,7%. Sur le papier, l’Assurance maladie aurait donc dû réaliser des économies. Sauf que si le nombre de bénéficiaires a baissé en 2014, le nombre de journées indemnisées a augmenté de 2,8%. Et le nombre de jours indemnisés par arrêt a bondi de 5,1%.

Les arrêts de longue durée s’éternisent. Moins de personnes arrêtés mais des dépenses en hausse : pour comprendre cette évolution, il faut regarder du côté des arrêts de longue durée. En effet, s’ils ne concernent que 24% des bénéficiaires, les arrêts de plus de 30 jours représentent 80% des dépenses, comme le montre cette infographie. Et deviennent donc l’une des priorités de l’Assurance maladie dans sa quête d'économies.

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Le rôle de certains médecins pointé du doigt. Si le vieillissement de la population, l’essor des horaires de travail décalés et le développement du travail devant un écran – avec les troubles musculo-squelettiques associés - contribuent à l’augmentation du nombre d’arrêts maladie, la raréfaction du travail à la chaîne et l’amélioration des conditions de vie devraient compenser. Pour les spécialistes de l’Assurance-vie, il serait donc judicieux de se pencher sur un acteur essentiel dans l’attribution des arrêts-maladie : le médecin.

Dans la plupart des communes, les malades connaissent en effet la réputation des médecins et savent lequel est plus conciliant que ses confrères lorsqu’il s’agit d’arrêt maladie. L'assurance maladie préconise donc d'identifier ces médecins qui prescrivent "à la fois plus d'arrêts et des arrêts plus longs que leurs confrères, à patientèle comparable". Objectif : les rappeler à l'ordre ou leur proposer un accompagnement "renforcé" dès juin 2015.  Et la Cnamts de souligner dans un document qu’a pu consulter l’AFP que "si ces médecins baissent d'un jour la durée de prescription d'Indemnités Journalières de leurs patients, cela représente 33 millions d'euros d'économies".

Eviter une désinsertion suite à un arrêt, l’autre chantier. Autre piste, la prévention de la désinsertion professionnelle, pour éviter le cercle vicieux engendré par de longs arrêts de travail. Un "agent facilitateur" pourrait ainsi accompagner les patients vers la reprise d'activité, et améliorer la coordination entre les multiples intervenants de leurs parcours de soins (médecin traitant, médecin du travail, service social,...). "Une expérimentation va être menée dans les prochains mois" localement avant une éventuelle généralisation.

De fausses solutions ? Ces deux pistes ne suscitent pas pour autant l'unanimité, loin de là. Invité d'Europe 1 jeudi midi, Frédéric Bizard, économiste de la santé et professeur à l'IEP de Paris, s'est déclaré "stupéfait" par le fait que la Cnam recherche un "bouc émissaire", en l’occurrence "le prescripteur, et un peu en arrière-plan l'assuré, profiteur du système".

"Depuis 2000, la hausse des dépenses a été en moyenne de 4%. Cela ne date donc pas de hier. C'est donc un vrai sujet mais qui devrait, à mon avis, être traité de manière un peu plus sérieuse qu'en s'attaquant aux fraudes et aux contrôles", a-t-il argumenté. Et Frédéric Bizard de poursuivre : "je vous annonce que les indemnités journalières de longue durée auront encore augmenté au moins autant l'année prochaine pour une raison simple : vous avez une morbidité de longue durée qui augmente. En 1990, il y avait 3,5 millions d'assurés sous le système des affections de longue durée, remboursées à 100%. Aujourd'hui, on est à 10 millions et on prévoit d'être à 13 millions en 2025. Vous avez donc une évolution très important du nombre d'affections de longue durée en général : ces gens travaillent pour une bonne partie, quand ils ont des arrêts de travail, ils sont donc souvent longs et cela va augmenter".

"Les abus, il faut les contrôler, mais ce n'est pas le cœur du problème. Le système ne fonctionne plus parce qu'il a été pensé dans un monde qui n'existe plus, où il n'y avait pas de pathologies chroniques, où on ne s'intéressait qu'à la maladie, pas à la gestion du risque", a-t-il souligné, avant de proposer une solution alternative : "développer des politiques de maintien en bonne santé des individus. Il faut basculer de l'aval à l'amont de la maladie".