Le rapport qui met en pièces l’industrie auto

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avec Aude Leroy , modifié à
L'Autorité de la concurrence veut libéraliser le très lucratif marché des pièces détachées.

Le passage par la case "garagiste" est souvent fatal pour le porte-monnaie des automobilistes. D’autant que pour les pièces détachées dites "visibles", le consommateur n’a pas le choix : s'il souhaite changer son capot, son pare-choc ou encore son rétroviseur, il ne peut acheter qu'une pièce détachées fabriquée par un constructeur automobile. L'Autorité de la concurrence s'est donc déclarée favorable lundi à la libéralisation de ce marché, sur lequel les constructeurs détiennent un "véritable monopole", afin de pouvoir faire baisser les prix.

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Un constat : les Français paient (trop) cher leurs pièces. Les associations de consommateurs, puis les sénateurs, n’ont cessé de le dénoncer : le budget "réparations" des automobilistes est en constante augmentation, tant par rapport au début des années 2000 que par rapport à nos voisins européens.

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 L’Autorité de la concurrence a donc fait ses comptes et l’addition est salée : "la France est quasiment le seul pays d'Europe dans lequel, même en corrigeant l'inflation, le prix des pièces détachées a augmenté depuis le début des années 2000, de l'ordre de 10%". Si on prend en compte l’indice "Entretien-réparation" de l’Insee, le constat est encore plus douloureux : même en gommant les effets de l’inflation, la facture a bondi de 44% entre 2000 et 2011.

• Une raison : le monopole des constructeurs. Si les prix sont si élevés, c’est parce que Renault ou Citroën sont les seuls, avec leurs sous-traitants, à avoir le droit de fabriquer et de vendre ces pièces détachées visibles. Les chiffres de l’Autorité de la concurrence sont sans appel : les constructeurs détiennent 70% du marché, les 30% restant revenant aux équipementiers avec lesquels ils sont alliés. Tous bénéficient donc d’un quasi-monopole qui empêche toute concurrence et baisse des prix pour le consommateur.

Une recommandation : ouvrir le marché. L’Autorité de la concurrence souhaite donc casser cette mainmise des constructeurs en autorisant par une loi d’autres entreprises à fabriquer et à distribuer des pièces détachées. Mais, soucieux de ne pas déstabiliser un peu plus ce secteur, les experts de l’Autorité recommandent une transition progressive.

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 "La première année, les pièces comme la vitrerie par exemple pourraient être ouvertes à la concurrence. Dans un deuxième temps, un an plus tard, les rétroviseurs et les pare-chocs. Et enfin, deux ans à trois ans après cette deuxième étape, ce pourrait être le cas de la tôlerie. On aboutirait donc en cinq ans, échéance après échéance, à une ouverture du marché", a détaillé Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence, au micro d’Europe 1.

Une conséquence espérée : une baisse des tarifs. D’après les estimations de l'Autorité de la concurrence, "la levée progressive de cette protection devrait à terme se traduire pour les consommateurs par une baisse moyenne de 6 à 15% des pièces visibles".

Un handicap : l’opposition catégorique du secteur. Un constat qui se confirme années après années, des solutions proposées qui ménagent tous les acteurs : tous les ingrédients sont donc réunis pour une ouverture négociée et progressive de ce marché. Sauf que le lobby du secteur automobile refuse de perdre ce très lucratif secteur et entend bien le faire savoir : il juge normal de conserver l’exclusivité sur des pièces qu’il a inventées et, surtout, il argumente que ce n’est pas le moment de fragiliser un secteur déjà mal en point.

"Qu'est-ce que cela apporte au consommateur ? Rien du tout. Qu'est ce que cela génère en termes de pertes d'emploi ? Environ 2.200 emplois sur l'ensemble de la filière", a précisé sur Europe 1 Patrick Blain, président du Comité des constructeurs français d'automobiles.

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