Le ralentissement de la Chine va-t-il mettre à l’arrêt l’Europe ?

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ZOOM - L’économie chinoise montre des signes d’essoufflement, comme l’ont confirmé les chiffres du troisième trimestre 2015. Mais quel peut être l’impact pour la France ?

6,9% de croissance au cours du troisième trimestre 2015 : si ce chiffre publié lundi a de quoi faire rêver la France, il constitue une piètre performance pour l’économie chinoise. C’est même sa pire statistique de croissance depuis un quart de siècle, une mauvaise nouvelle qui fait suite à un été déjà compliqué, marqué par un krach boursier et des dévaluations surprises du yuan. L’Empire du Milieu n’est donc plus un havre de croissance et il n’est pas le seul à s’en inquiéter : devenue la première puissance économique mondiale, à égalité avec les Etats-Unis, la Chine a désormais une grande influence sur le reste du monde. Si bien que beaucoup redoutent qu’une simple toux chinoise ne devienne une grippe carabinée pour la vieille Europe. Une telle inquiétude est-elle justifiée ?

Une croissance au plus bas depuis 25 ans. L’économie chinoise est bien en train de ralentir : supérieure à 10% en 2010, elle est passée sous les 8% en 2012 et devrait avoisiner les 7% en 2015. Une tendance confirmée par les derniers chiffres officiels publiés lundi et indiquant une croissance de 6,9% au troisième trimestre. Et cela ne devrait pas s’arranger puisque le FMI vient de revoir à la baisse ses prévisions pour 2016, avec une croissance estimée à 6,3%. Certains estiment même que la réalité est encore plus sombre que les chiffres officiels (voir encadré ci-dessous).

Devenu sino-dépendant, le monde s’inquiète. Mais pourquoi le monde économique s’inquiète-t-il autant pour la santé de la Chine ? Tout simplement parce que Pékin est devenu un poids lourds de l’économie mondiale que plus personne ne peut ignorer. La Chine est même devenue avec les Etats-Unis les deux seuls moteurs de la croissance mondiale : quand l’un des deux se porte mal, le reste du monde le ressent. "Ce qui se passe en Chine a des répercussions sur la planète tout entière", a résumé au début du mois le chef économiste du FMI Maurice Obstfeld. C’est d’ailleurs à cause des problèmes à Pékin que le FMI a revu à la baisse sa prévision de croissance mondiale, passée de 3,3% à 3,1%.

Les pays fournisseurs de matières premières sont bien placés pour le savoir. Devenue l’atelier du monde, la Chine est leur premier client depuis de nombreuses années : elle absorbe par exemple 45% de la production mondiale de métaux industriels. Si bien que lorsque le moindre ralentissement de sa production a des conséquences en cascade : une baisse des prix, des exportations et donc des rentrées d’argent pour les pays producteurs. Pour le FMI, la mauvaise passe des pays émergents, dont l’économie repose grandement sur les matières premières, s’explique en grande partie par le ralentissement chinois. Or, la situation est en train de se dégrader un peu plus : le montant en dollars des importations chinoises s'est effondré de quelque 20% en septembre.

Les autres victimes collatérales du ralentissement chinois sont asiatiques : les pays voisins de Pékin sont devenus ses principaux sous-traitants et dépendent de sa santé économique. Ce que résume bien une récente étude du groupe d’assurance-crédit Coface : la Chine a contribué pour près de 72% à la croissance de l’Asie émergente depuis 2000. Des pays comme le Vietnam, le Cambodge, Taïwan ou encore la Malaisie ont donc le plus à craindre de l’essoufflement chinois.

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Quel impact pour l’Europe et la France ? Ce n’est pas parce que les pays européens n’exportent pas de matières premières vers la Chine qu’ils sont à l’abri. A défaut de lui vendre de l’or, du cuivre ou du pétrole, l’Europe écoule en Chine une partie de sa production : des produits de luxe et de l’alimentaire pour la France, des machines-outils et des voitures pour l’Allemagne, de l’huile d’olive pour l’Espagne, etc. Le ralentissement de l’économie chinoise a donc aussi des conséquences sur les exportations européennes. Et notamment sur le champion de la région : l’Allemagne, dont le premier client est la Chine.

Certaines entreprises ont, elles, fait le choix de s’installer sur place plutôt que d’exporter leur production. Un pari qui devrait se révéler judicieux car si le gouvernement laisse l’import-export se contracter, il a en revanche décidé de doper son marché intérieur. Et les derniers chiffres officiels le confirment : la consommation intérieure a progressé de 10,9% en septembre par rapport à l’année précédente. Les entreprises européennes qui produisent en Chine pour les Chinois devraient donc être épargnées par le ralentissement chinois.

Dans ce contexte, la France est évidemment concernée par le ralentissement chinois, mais dans une moindre mesure que des pays très tournés vers l’export, qu’il s’agisse de l’Allemagne ou du Brésil : en 2014, la Chine n’a absorbé que 3,8% des exportations françaises, quand 16,6% partaient en Allemagne. Ce ralentissement est d’ailleurs peut-être une opportunité, et non une menace : pour beaucoup d’observateurs, la Chine ne ralentit pas, elle se normalise et va donc générer moins de déséquilibres à l’avenir.

 

Une opacité statistique qui renforce les craintes. Le ralentissement de l’économie chinoise inquiète d’autant plus qu’il est difficile d’en mesurer l’ampleur : les chiffres officiels chinois sont régulièrement contestés, et il y a de quoi. Ainsi, alors que l’Empire du Milieu annonçait une croissance de 7% au cours des six premiers mois de l’année, plusieurs acteurs financiers apportaient un autre son de cloche : "on est probablement plutôt du côté de 4,5% ou moins", a estimé Willem Buiter, chef économiste de Citigroup, tandis qu’un panel d’économistes sondés par Bloomberg fin août avançait le chiffre de 6,3%.

Bref, les chiffres officiels sont à prendre avec des pincettes, comme l’a montré récemment une anomalie statistique : la moyenne des taux de croissance publiés fin septembre par l'ensemble des provinces est supérieure au chiffre national. Ce qui signifie que certaines régions ont clairement gonflé leurs données, probablement pour atteindre certains objectifs chiffrés fixés par l’administration centrale, condition sine qua none pour que les cadres du parti obtiennent une promotion au sein de la fonction publique.