Le racket au crédit d'impôt compétitivité

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Thomas Morel et Mélanie Taravant , modifié à
ENQUETE E1 - A peine entré en vigueur, cette niche fiscale est déjà source d'escroqueries.

A peine créé, déjà critiqué. Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), lancé il y a quelques mois par le gouvernement, devait permettre de relancer l'activité. Grâce au CICE, les PME sont censées voir leurs coûts salariaux baisser, en récupérant sous forme d'impôts en moins à payer 4 % de leur masse salariale. Mais beaucoup de ces petites entreprises subissent le chantage de leurs clients...

Le coup de gueule. "C'est ni plus ni moins que du vol !" Guillaume Cairou, PDG de Didaxis, une entreprise de portage salarial implantée dans toute la France, n'en est pas encore revenu : un de ses clients lui a demandé de lui restituer une partie des sommes qu'il avait économisées grâce au crédit d'impôt compétitivité emploi. "Je n'ai pas créé mon entreprise pour me faire racketter, mais d'un autre côté, je n'ai pas le choix, je dois me soumettre à leurs conditions", se lamente-t-il au micro d'Europe 1.

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Une pratique répandue. Cette pratique est plus répandue qu'on ne le croit. Selon les experts, chaque nouveau crédit d'impôt pour les entreprises pousse certains clients peu scrupuleux à demander des ristournes supplémentaires. C'est ce qui est arrivé à Thomas Mortier, le patron de Staci, une entreprise de logistique-marketing : "Ça a le mérite d'être très clair, le mail fait quatre lignes : 'Etant donné que le crédit d'impôt représente un montant équivalent à 4 % de la masse salariale brute, nous souhaitons une révision à la baisse de nos tarifs 2012 de 2 %", se souvient-il.

Lui n'a pas l'intention de se laisser faire. "C'est un abus majeur de position dominante. Nous pensons qu'il faut avoir la détermination de tenir tête à ce genre de pratiques", affirme-t-il. Mais pour chaque petit patron qui accepte de tenir tête à ses clients, il y en a des dizaines qui n'ont pas d'autre choix que de se plier au diktat des grands groupes, sous peine de disparaître.

Risquer de perdre son client. "On est dans le rapport de force", explique Pierre Pelouzet, médiateur inter-entreprise, en charge de ce genre de dossiers. "Le risque, c'est de perdre son client, et c'est là-dessus que beaucoup de grandes entreprises jouent", raconte-t-il. Résultat, les sous-traitants doivent souvent avaler des couleuvres pour conserver un client majeur. "Certains sont prêts à accepter tout et n'importe quoi, et cela mène à des catastrophes", se désole Pierre Pelouzet.

Pour l'heure, Bercy déclare découvrir ce genre de problèmes. Mais les habitués de ce genre de méthodes n'ont qu'à bien se tenir : dans les couloirs du ministère des Finances, on affirme qu'une riposte serait à l'étude et que des sanctions seraient envisagées.