Le Medef tance la direction de Renault pour éviter une loi

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Le président du Medef Pierre Gattaz, vendredi 27 mai sur Europe 1. © ERIC PIERMONT / AFP
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ARGENT - Renault est sommé de rectifier le tir après la polémique sur le salaire de Carlos Ghosn. Une manière de prendre les devants pour éviter une loi.

En validant la rémunération de son PDG Carlos Ghosn malgré l’avis négatif de ses actionnaires, Renault a relancé le débat sur le salaire des grands patrons. Depuis, les réactions s’enchainent, entre critiques acerbes, tribune appelant à limiter les salaires et menaces de légiférer. Mais le dernier coup en date est venu de là où on ne l’attendait pas : le Medef et l’Afep, représentant le patronat et les grandes entreprises, ont envoyé à Renault une lettre très critique, rendue publique jeudi.  Les organisations patronales seraient-elles devenues adeptes de la modération salariale ? Pas vraiment, et le patron des patrons Pierre Gattaz ne l’a pas caché, vendredi sur Europe 1 : le Medef et l’Afep se veulent exemplaires dans l’espoir d’éviter la menace suprême, une loi.

Quand Renault ignore ses actionnaires. En plus des 8 millions d’euros versés par Nissan, Carlos Ghosn réclamait 7,2 millions d’euros à Renault pour l’année 2015, sauf que les actionnaires du constructeur automobile ont voté contre cette demande. Le comité de direction de Renault était donc censé se pencher sur ce désaccord, ce qu’il a fait en quelques heures à peine pour finalement considérer qu’il n’y avait pas de problème : Carlos Ghosn touchera bien la somme prévue. Et la direction de la marque au losange de rappeler qu’elle respecte à la lettre le code de bonne conduite mis en place par le Medef et l’Afep en juin 2013, suite à une précédente série de polémiques.

Le Medef se joint au concert de critiques. En effet, Renault a bien respecté le code Afep-Medef sur le "say on pay" : les actionnaires ont leur mot à dire et la direction de l’entreprise doit prendre en compte leur avis. Mais elle n’est pas pour autant obligée de le suivre, ce qu’a fait le conseil d’administration  de Renault.

Pointé du doigt, le Haut comité de gouvernement d'entreprise (HCGE), chargé de la rédaction et de l’application de ce code d’autorégulation, a donc été prié de réagir. Ce qu’il a fait dans une lettre envoyée à Renault et dans laquelle il souligne que l’entreprise doit tenir compte "des réactions des autres parties prenantes de l'entreprise et de l'opinion en général", or "ce dernier objectif n'a pas été atteint". Et le HCGE de critiquer en outre le double salaire de Carlos Ghosn : soit ce dernier est considéré comme patron "à mi-temps" de Renault et doit être rémunéré autrement, soit son activité chez Renault est "indissociable" de celle chez Nissan et les actionnaires de Renault devraient alors avoir un droit de regard sur l’argent versé par Nissan.

Gattaz y voit la preuve qu’une loi n’est pas nécessaire. "Cela veut dire que cette régulation, cette ‘soft law’ fonctionne, que  ce haut comité fait son travail et qu’il n’y a pas de passe-droit. Vous voyez qu’il y a une grosse exigence", a réagi le président du Medef, vendredi sur Europe 1. "J’attends qu’il y ait une réponse du conseil d’administration de Renault pour rectifier et prendre en compte l’avis négatif des actionnaires. Il faut que le conseil d’administration prenne en compte cet avis négatif", a ajouté Pierre Gattaz.

Il est vrai qu’il est rare que les organisations patronales haussent le ton mais le contexte actuel n’y est probablement pas étranger. Considérant que l’autorégulation ne fonctionnait pas, critiqués pour leur inaction passée, le gouvernement et la majorité ont en effet inclu jeudi dans la loi Sapin 2 un amendement rendant le vote des actionnaires contraignant.

Si cette réforme n’est pas encore définitivement votée, elle représente tout ce que le patronat redoute, comme l’a reconnu Pierre Gattaz. "C’est une très mauvaise nouvelle, il faut arrêter de légiférer car il y a une soft law, une autorégulation. Cette lettre a été envoyée. Faisons en sorte que cette autorégulation marche et elle marche", a-t-il souligné. Reste à savoir si cette réaction des organisations patronales n’arrive pas trop tard pour convaincre le gouvernement de renoncer à sa loi.