Plongée dans le juteux business de la formation professionnelle

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© Philippe Huguen / AFP
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Hadrien Bect, édité par R.Da. , modifié à
La reforme présentée lundi par le gouvernement pourrait mettre fin à un système très coûteux pour la collectivité mais peu efficace, notamment en raison de l'absence de contrôles.
L'ENQUÊTE DU 8H

C'est une somme astronomique, dont une large partie disparaît chaque année. La France investit annuellement 32 milliards d'euros dans la formation professionnelle, un chiffre considérable au regard de l'efficacité du système. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a promis de le "simplifier", et la réforme qu'elle présente lundi devrait ainsi privilégier la qualité sur la quantité.

Des secteurs bouchés et des cursus douteux. En effet, la diversité des offres est devenue le premier problème de la formation professionnelle, et pour s'en convaincre il suffit d'un coup d'œil sur Internet. En quelques clics, on vous propose de postuler, pèle-mêle, pour devenir conseiller en agence de voyage, décorateur d'intérieur ou même fabricant de couteaux. Ces différentes formations sont payées par Pôle Emploi et les régions, mais dans des secteurs qui sont aujourd'hui complètement bouchés.

À cela s'ajoutent des cursus qui manquent clairement de sérieux, comme le rapporte Sylvain, formé depuis septembre pour devenir technicien informatique. "On se rend compte que les formateurs sont des gens qui n'ont jamais travaillé, qui n'y connaissent pas grand-chose. Sur 35 heures par semaine, on doit le voir en gros deux heures. Ça ne le gêne même pas de nous dire : 'revenez dans deux heures parce que je dois aller faire des courses'. Je m'attendais à apprendre des choses, j'ai l'impression d'avoir perdu mon temps", déplore-t-il auprès d'Europe 1. Le coût de cette pseudo-formation : 14.000 euros, intégralement financés par la région.

Une fraude généralisée. La cause de cette gabegie est sans doute à chercher dans le nombre considérable d'organismes de formation en France, puisque l'on en compte près de 90.000. En vérité, tout un chacun peut créer sa petite entreprise de formation en quelques heures. Il suffit simplement de la déclarer. "Vous avez un formulaire CERFA à remplir, vous devez fournir le CV d'un formateur - ça peut être vous -, vous devez avoir un premier client, en sachant que vous pouvez avoir un client qui signe une convention de complaisance, donc déjà, dès la déclaration, il y a fraude", remarque auprès d'Europe 1 un inspecteur de la formation professionnelle et représentant du syndicat SUD. Une fraude qui serait quasi généralisée selon ce responsable. La formation professionnel est même considérée par le ministère de l'Economie comme l'un des secteurs les plus à risques en termes de blanchiment d'argent, et d'autant plus que les vérifications sont rarissimes, puisque l'on compte à peine 120 inspecteurs pour 90.000 entreprises, soit un contrôle par entreprise tous les... 50 ans. 

Un système de certification. Face à ce constat, le ministère du Travail promet "un big bang". Pour faire le ménage dans l’offre de formations, un récent rapport préconise par exemple de certifier les organismes en fonction d'un cahier des charges précis, comme en Allemagne. Enfin, le taux de retour à l'emploi des personnes formées pourrait aussi servir d'indicateur de la qualité et de l’utilité des formations, et donc permettre aux salariés désireux d'élargir leurs compétences ou de se reconvertir d'y voir un peu plus clair.