Le gouvernement s'emmêle les impôts

Contrairement à François Hollande, le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, estime que la "pause fiscale" n'est pas gravée dans le marbre.
Contrairement à François Hollande, le secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert, estime que la "pause fiscale" n'est pas gravée dans le marbre. © Reuters
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DÉMÊLAGE - Christian Eckert, le secrétaire d’État au Budget, estime que la "pause fiscale" n'est pas gravée dans le marbre. Pourtant…

Sur les impôts, pas facile de suivre le gouvernement depuis une semaine. Interrogé jeudi sur RTL, le secrétaire d'État chargé du Budget n'a pas écarté l'idée d'une hausse d'impôt en 2015. "On ne peut pas graver dans le marbre une situation qui dépend d'un contexte international que nous ne maîtrisons pas".

Il y a une semaine jour pour jour, François Hollande assurait pourtant le contraire sur TF1. Il "n'y aura pas d'impôt supplémentaire sur qui que ce soit", avait promis le chef  de l'Etat. "Le président fixe un cap, mais il faut parfois tirer des bords pour parvenir à ce cap", s'est expliqué jeudi Christian Eckert. Nouveau couac gouvernemental ? Visiblement. Quelques minutes après, interrogé sur iTélé, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, déclarait : "cette promesse est gravée dans le marbre".

Une question de "regard". Le secrétaire d'État au Budget a tenté de s’expliquer, ensuite sur LCP. "Soyez rassurés, les prélèvements obligatoires vont baisser" en 2015. En tout cas, c'est ce qui est prévu. Mais Christian Eckert ne voit définitivement pas cette perspective "gravée dans le marbre". "Le regard qu’on peut porter sur les choses peut changer. Qui peut dire aujourd’hui que l’économie de 2014 ou 2015 est la même qu’il y a cinq ans ?", a-t-il résumé.

>> Qui a raison ? La promesse est-elle vraiment "gravée dans le marbre" ? Rien n'est moins sûr…

François Hollande se contredit…  "A partir de l'année prochaine, il n'y aura pas d'impôt supplémentaire sur qui que ce soit. Au-delà de ce qui a été annoncé, il n'y aura pas d'augmentation d'impôt", a promis le président de la République la semaine dernière. Une déclaration déjà floue, et qui se contredit. Car "ce qui a été annoncé" prévoit bien des impôts supplémentaires "à partir de l'année prochaine".

Le projet de budget de l'Etat pour 2015 annoncé en octobre et le projet de budget rectificatif pour 2014 dévoilé cette semaine prévoient en effet tous deux des hausses pour 2015. Taxe gazole, taxe de séjour, taxe sur les surfaces de stationnement, augmentation des droits de mutation ou encore surtaxe sur les résidences secondaires… Les mesures ne relèvent pas vraiment de la "pause fiscale".

Ces hausses de fiscalité seront certes compensées par un allégement de la fiscalité des entreprises et par la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu. En outre, le projet de budget 2015 prévoit bien une légère baisse de la charge globale de l'impôt, à 44,6% du PIB en 2015 (après 44,7% cette année). Mais c'est sans compter les mesures rectificatives annoncées depuis. Et au final, la charge de l'impôt devrait bien légèrement augmenter "l'année prochaine".

… Mais il y a bien une promesse. La confusion a d'ailleurs contraint les membres du gouvernement à un service après-vente intensif depuis la semaine dernière. "François Hollande a dit qu'il n'y aurait pas d'impôts VOTÉS durant ces années. Il n'y aura aucune NOUVELLE mesure", a précisé vendredi dernier Emmanuel Macron, ministre de l'Economie. En clair, il y aura bien des hausses pour certaines personnes en 2015. Mais aucune mesure supplémentaire ne sera ANNONCÉE à partir de 2015.

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"Pour moi, la position du président de la République est simple et très claire", a encore développé Stéphane Le Foll jeudi. Et d'insister : "il y a des décisions qui ont été prises et qui se prennent en ce moment sur la loi de finances rectificative. Tout cela sera calé à la fin de l'année pour l'année prochaine. Mais il n'y aura pas de hausse d'impôt DÉCIDÉES l'année prochaine par le gouvernement sur l'impôt sur le revenu, sur la CSG. Il faut le comprendre comme cela. Il n'y a pas à discuter de ce sujet. La porte (à une hausse des impôts, ndlr) est fermée".

… Qui a déjà été trahie par le passé. Mais même cette promesse a déjà perdu en crédibilité. Elle se base, en effet, sur une prévision de croissance de 1% en 2015. Or, de nombreux économistes assurent que cette prévision est intenable. Et si elle n'est pas tenue, le gouvernement devra trouver des économies supplémentaires. Il devra soit réduire les dépenses de l'Etat, soit… augmenter les impôts. Or, l'exécutif  peine déjà à détailler les mesures de réduction de dépense pour cette année. La Commission européenne lui a elle-même reproché récemment.

En outre, ce ne serait pas la première fois qu'une telle promesse ne serait pas tenue. "Une pause fiscale sera effective en 2015", promettait ainsi Jean-Marc Ayrault, l'ancien Premier ministre, le 17 septembre 2013 dans Métro. Or 2015 arrive, pas la pause fiscale.

L’État ne décide pas tout. Surtout, la promesse de François Hollande pourrait être totalement contredite. En effet, le gouvernement ne décide pas de tous les impôts, puisque les collectivités territoriales ont la main sur de nombreuses taxes. D'autant que les spécialistes de la question en sont persuadés : les taxes d'habitation et les taxes foncières devraient augmenter l'an prochain. Et avec la baisse de la dotation de l'Etat aux collectivités, ces dernières vont bien devoir dégager de nouvelles recettes.

Au final, Christian Eckert, le comptable de l’État, a simplement dit la vérité, toute en nuances. Et François Hollande, en bon politique, a avancé une promesse, tenable, mais sûrement "pas gravée dans le marbre".  Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, l'a d'ailleurs reconnu à demi-mot jeudi, en posant simplement des questions : "je comprends ce qui est sous-entendu par Christian Eckert. Admettons par exemple que la situation se dégrade. ‘Qu'est-ce qui se passe?', ‘Comment on agit?'", s'est-il demandé. Quitte à apporter au débat encore un peu plus de confusion.