Le CDI intérimaire, contrat méconnu

Les agences d'intérim recrutent de plus en plus de CDI intérimaires.
Les agences d'intérim recrutent de plus en plus de CDI intérimaires. © BENOIT DOPPAGNE / BELGA / AFP
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Clément Lesaffre , modifié à
Trois ans après sa mise en place, ce contrat hybride commence à prendre réellement son envol.

Les chiffres du chômage de février sont tombés et ils confirment la stabilisation entrevue fin 2016. Un redressement qui doit beaucoup à l’intérim qui a bondi de 12% en un an. Un type d’emploi qui a connu une évolution silencieuse ces dernières années avec la mise en place du CDI intérimaire (CDII). Europe 1 fait le point sur ce dispositif lancé il y a tout juste trois ans mais toujours méconnu, notamment à cause d'un retard à l'allumage jusqu'en 2015.

C’est quoi un CDI intérimaire ?

Le CDI intérimaire est un contrat hybride relevant de la "flexisécurité". "C’est un CDI sauf qu’au lieu de travailler pour une seule entreprise, vous êtes embauché par l’entreprise d’intérim", explique Sophie Durand, directrice de la communication du spécialiste des ressources humaines Randstad. Dans le contrat de travail, le salarié intérimaire indique trois qualifications maximum qui délimitent le champ des métiers disponibles. Une clause de mobilité est également signée, 50 kilomètres du domicile maximum. "Vous avez les mêmes avantages que pour les CDI classiques : sécurité de l'emploi, congés payés, formation…", appuie Sophie Durand. Le CDI intérimaire est ensuite délégué par son employeur (Randstad, Adecco…) pour des missions dans les entreprises clientes.

Comment fonctionne la rémunération ?

Quand il est en mission, le CDI intérimaire est payé de façon traditionnelle par l’entreprise qui a recours à lui. Le vrai changement réside dans les périodes de creux. "Quand elle n’est pas en mission, une personne en CDI intérimaire est rémunérée par l’agence d’intérim, par le biais de la Garantie minimale de rémunération mensuelle, ou salaire d’intermission", détaille Sophie Durand. Cette rémunération correspond a minima au SMIC, majoré de 15% pour les agents de maîtrise et de 25% pour les cadres.

"Il peut y avoir un arrangement selon la politique de l’agence. Chez Randstad, le salaire d’intermission peut être plus élevé que le montant obligatoire afin que la différence avec le salaire perçu durant la mission ne soit pas trop grande", souligne Sophie Durand. Ce qui représente un risque financier pour les agences qui gèrent mal leurs intérimaires.

Avantages et inconvénients

Pour le travailleur, accéder au statut de CDI intérimaire est à double tranchant. D’un côté, cela lui apporte la sécurité de l’emploi et l’assurance d’être payé entre ses missions, un plus dans un dossier de location, par exemple. De l’autre, il perd un peu de sa liberté. En effet, contrairement aux intérimaires classiques, une personne en CDII ne peut pas refuser une offre proposée par son agence. Si la mission ne lui plaît pas, tant pis.

Pour l’entreprise d’intérim, le CDII offre la possibilité de travailler dans la durée avec les travailleurs. "On connaît les  qualifications des personnes, leur niveau de formation, leurs attentes. Donc c’est plus facile de leur trouver des missions adéquates", pointe Sophie Durand. Pour les sociétés qui ont recours aux intérimaires de manière récurrente, les CDII ont également un avantage : ils sont déjà formés et connaissent les entreprises en question. "Il arrive que les clients finissent par embaucher elles-mêmes les CDI intérimaires", se réjouit la directrice de la communication de Randstad. "Ils se disent que si nous l’avons pris en CDI nous-mêmes, c’est que la personne est qualifiée et compétente. En plus, la transition est facilitée par les missions passées."

Combien de personnes sont concernées ?

"Tout le monde peut prétendre à un CDI intérimaire", explique Sophie Durand. Seule condition : il faut se positionner sur des compétences qui correspondent à un besoin récurrent sur le marché local de l’emploi. "Nous n’embaucherons pas en CDI sur une qualification pour laquelle nous aurions un besoin seulement deux ou trois fois dans l’année", précise-t-elle. Le processus de recrutement est identique à celui d’un CDI dans une entreprise classique. Quant au profil des CDI intérimaires, il est très proche des intérimaires classiques, comme le décrit Sophie Durand : "Des hommes, jeunes, sur des métiers plutôt opérationnels". Dans le détail, parmi les CDII, on trouve environ 50% d’ouvriers non qualifiés, un tiers d’ouvriers qualifiés et un peu plus de 15% de cadres et professions intermédiaires".

Le CDII reste malgré tout encore marginal. Fin février, 15.300 personnes travaillaient avec ce contrat en France, dont un tiers a moins de 25 ans, selon les chiffres de Prism’Emploi. C’est peu, comparé aux 654.000 intérimaires recensés fin 2016 par l’Insee. La faute, selon Sophie Durand, a un retard à l’allumage. "De mars 2014 à août 2015, l’intérêt du CDI intérimaire était limité à cause d'un délai de carence imposé. Résultat, les clients râlaient car cela nous empêchait de déléguer à nouveau un intérimaire compétent pour un besoin urgent, par exemple. Depuis que cette obligation a été supprimée par la loi Rebsamen, le nombre d’embauches en CDII a presque triplé." Actuellement, il y en a environ 800 par mois en France.