La SNCM condamnée à disparaître ?

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et Isabelle Ory, correspondante d'Europe 1 à Bruxelles , modifié à
JUSTICE - La justice européenne estime que les aides reçues de l'Etat en 2006 sont illégales. Comme celles versées entre 2007 et 2013.

Nouveau coup dur pour la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM), qui relie la Corse au continent. La justice européenne a confirmé jeudi l'illégalité des aides publiques françaises reçues par la compagnie maritime au moment de sa privatisation en 2006, et dont le montant cumulé s'élève à plus de 200 millions d'euros. Une somme que l'entreprise va donc être invitée à rembourser et qui pourrait lui être fatale.

SNCM

Ce qui est reproché à la SNCM. Longtemps en situation de monopole, la compagnie a été ébranlée par l'ouverture à la concurrence, en l’occurrence Corsica Ferries, et par des conflits sociaux à répétition. Après avoir injecté de l'argent à plusieurs reprises, l'Etat se décide à vendre l'entreprise pour qu'elle se restructure. Et pour la mettre dans les meilleures conditions possibles, l'Etat injecte plus de 200 millions d'euros dans l'entreprise avant de la privatiser.

C'est justement ces aides que la justice européenne a jugé illégales. Premièrement, les juges ont estimé que l'Etat, via son bras armé qu'est la Compagnie générale maritime et financière (CGMF), a vendu la SNCM à un prix négatif de 158 millions d'euros. En clair, l'entreprise a été vendue bien en-dessous de son prix, notamment parce que l'Etat, juste avant sa vente, a investi des millions sans pour autant revoir le prix de vente à la hausse. Puis l'Etat a encore donné deux coups de pouce non négligeables : un apport supplémentaire en capital par la CGMF de 8,75 millions et une avance en compte courant pour 38,5 millions visant à financer un éventuel plan social. Ce qui représente, aux yeux des juges, deux autres aides illégales.

La SNCM condamnée à disparaître ? La décision de la justice européenne d'obliger la SNCM à rembourser 200 millions d'euros fragilise un peu plus une société déjà mal en point. Or la compagnie doit également rembourser 220 millions d'euros reçus de l'Etat au titre de la délégation de service public entre 2007 et 2013, une aide là aussi jugée illégale par la Commission européenne.

Au total, l'entreprise doit rembourser plus de 420 millions, une opération qui risque de lui être fatale : elle est déficitaire depuis des années, perd environ 50 millions d'euros par an et a été lâchée par son principal actionnaire, Veolia, qui veut sortir de l'entreprise et milite pour un dépôt de bilan. Cette décision de justice pourrait donc être le coup de grâce, d'autant que l'entreprise a connu un nouveau mouvement de grève en pleine saison estivale, qui l'a eu peu plus affaiblie.

Le gouvernement s'active en coulisses pour limiter la casse mais il ne dispose plus d'aucun recours en justice. La seule manière d'éviter un remboursement fatal pour la SNCM serait donc de déposer le bilan, pour ensuite trouver un repreneur et remonter une nouvelle entreprise. La justice européenne effacerait alors l'ardoise de la compagnie maritime.