La montagne va-t-elle survivre au réchauffement climatique ?

Dans les années à venir, les canons à neige devraient être de moins en moins utilisables.
Dans les années à venir, les canons à neige devraient être de moins en moins utilisables. © PHILIPPE DESMAZES / AFP
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Théo Maneval, édité par Thibaud Le Meneec
Avec la hausse des températures et la raréfaction de la neige, déjà amorcées, les paysages montagnards vont radicalement changer. Les stations tentent déjà de s'adapter pour rester viables. 

Un chiffre qui résume à lui seul la situation alarmante de la montagne à l'heure du réchauffement climatique : la quantité de neige dans les Pyrénées pourrait diminuer de moitié d'ici 2050, selon les projections des chercheurs de l'Observatoire pyrénéen du changement climatique. Si rien ne change, les températures dans les Pyrénées vont augmenter entre 1,4 et 3 degrés d'ici 2050. Et tous les massifs sont concernés : selon un rapport de l'OCDE cette fois, si on englobe les Alpes, 80 des 300 stations de ski en France sont menacées de fermeture d'ici trente ans, faute d'enneigement.

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On connait la première solution : ce sont les canons à neige, présents presque partout aujourd'hui. Mais même ça, dans les années à venir, ça pourrait ne plus être possible. D'abord parce qu'il faut qu'il fasse assez froid : un canon, ça fonctionne en pulvérisant un mélange d'eau et d'air comprimé. Et pour que la neige soit produite, il faut que la température reste en dessous de 0, ce qui arrive de moins en moins souvent en moyenne montagne.

Le grave problème de l'eau. Et puis il faut surtout beaucoup d'eau. Or, dans des départements comme la Haute-Savoie, frappés cette année par la sécheresse, il n'y a plus assez d'eau potable pour le robinet : la mairie de La Clusaz a donc décidé pour la première fois cet hiver, de mettre de côté la moitié des réserves prévues pour les canons. C'est un peu "boire ou skier, il faut choisir" : "Les professionnels du tourisme sont inquiets, mais La Clusaz c'est 1.800 habitants toute l'année, et jusqu'à 25.000 habitants en période touristique", note Laurent Badone, directeur général des services. "On est donc responsables de leur accueil dans de bonnes conditions, ce qui implique de garantir l'approvisionnement en eau potable. On prépare aussi l'avenir : on envisage de faire une cinquième retenue d'altitude à La Clusaz qu'on pourrait utiliser aussi bien pour faire de l'eau potable, et éventuellement pour faire un petit peu de neige, si on en avait besoin."

Entendu sur europe1 :
Il faut encore rester clair : le ski est l'activité prioritaire et celle qui rapporte encore

Il y a une autre technique pour conserver la neige, appelée "snow-farming" : on garde la neige de l'année précédente sous une épaisse couche de sciure de bois. Ça conserve bien, il y a seulement 25% de fonte, et ça permet d'assurer notamment les pistes ski de fond pour le début de saison.

Nouvelles infrastructures pour nouveaux clients. Malgré tout, les stations ont bien compris qu'elles devaient diversifier leurs activités pour survivre et fonctionner le plus possible même quand la neige n'est pas là. Ça représente de gros investissements, par exemple aux Saisies : les pistes de VTT, de luge d'été et autres grand centre aquatique ont coûté près de 20 millions d'euros. "Il faut encore rester clair : le ski est l'activité prioritaire et celle qui rapporte encore, et c'est pour ça d'ailleurs que ça permet d'investir dans d'autres activités", tempère Bruno Clément, directeur de la station. "85% de nos clients viennent pour skier, on a 15% de personnes qui ne pratiquent pas du tout d'activité ski. On le voit vraiment comme une offre complémentaire : proposer la meilleure offre à nos usagers, à la fois pour les fidéliser, et puis également pour attirer de nouveaux clients."

Le centre aquatique des Saisies.

Les espèces fragilisées. Reste que la montagne ne revient pas qu'au ski. C'est aussi et surtout la nature et la biodiversité les premières affectées par ces changements climatiques. En Europe, par exemple, les animaux de montagne se sont déplacés en moyenne de 11 mètres vers le haut ces dix dernières années, pour retrouver des températures assez basses qui leur conviennent. "Si une espèce se déplace en hauteur, elle est vraiment en train de perdre son habitat", alerte Juan Terradez, chercheur à l'Observatoire pyrénéen du changement climatique. "Pensez à la forme d'une montagne : au fur et à mesure qu'on se déplace en hauteur, on perd de la surface. Comme les espèces sont vraiment interconnectées, cela a finalement des effets sur tout l'écosystème. On a observé la baisse des populations par exemple des amphibiens, et du chamois."

Et la situation ne devrait pas s'améliorer dans les prochaines années, alors que la moitié des glaciers pyrénéens ont déjà fondu en 35 ans. Face à ce déclin des paysages montagnards, les États devront trouver des solutions politiques lors de la COP24, qui se tient du 3 au 14 décembre prochain à Katowice, en Pologne.