Impôts : le prélèvement à la source, une bonne idée ?

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Alexis Toulon , modifié à
ON EN EST OU ? A l’heure où les Français doivent déclarer leurs impôts de 2013, la question du prélèvement à la source ressurgit.

"Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu est une question de volonté politique", a assuré sur Europe 1 Thomas Piketty, économiste dont le livre "Le capital au XXIe siècle" fait fureur outre-Atlantique. Selon lui, il est grand temps que la France prenne le train de la modernité fiscale et prélève l’impôt à la source, comme ses voisins. Mais ce virage, pourtant souhaité dans le cadre de la simplification voulue par François Hollande, peine à s’imposer.

DÉBAT – Thomas Piketty face à Europe 1par Europe1fr

La France, un extraterrestre en Europe. L’Hexagone fait figure d’exception au sein de l’Union et plus largement des pays de l’OCDE avec son système déclaratif. Dans les grosses économies, seules la Suisse et Singapour fonctionnent comme nous. A titre d’exemple, l’Allemagne a généralisé le prélèvement à source dès 1920, mais le système existait en Prusse orientale depuis 1808.

Les avantages du prélèvement à la source. Un des avantages mis en avant par ses défenseurs est qu’il simplifie la vie des contribuables. Rien à calculer, rien à faire, il est retiré directement du salaire mensuel. De plus, il permet de s’adapter à tout changement de situation (mariage, enfants à charge, etc.) ou variation de salaire. Et bien sûr, pas de mauvaises surprises à la fin de l’année fiscale. Pour l’Etat, il est une source d’économie : entre 15.000 et 20.000 fonctionnaires de Bercy sont dédiés à la collecte de l’impôt. De plus, de nombreux Français sont déjà mensualisés, le changement serait transparent pour eux.

Et ses inconvénients. En cas de prélèvement à la source, ce sont les entreprises qui sont chargées de reverser l’impôt à l’Etat. Ce qui peut avoir un coût supplémentaire pour des structures qui n’y seraient pas préparées. De plus, la France a un système complexe de calcul de l’impôt, notamment dû à la politique familiale. Au Royaume-Uni, les enfants ne sont pas pris en compte, alors qu’en France, ils représentent des parts fiscales, ce qui diminue, pour les familles nombreuses, le montant total à payer au Trésor. De plus, pour un couple marié, l’impôt est prélevé sur l’ensemble des revenus du foyer, alors qu’outre Manche, chacun paie sa part.

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Inévitablement, le gouvernement devrait trouver une solution pour adapter politique familiale et fiscalité… et demander aux entreprises de la gérer. Ce qui pose un autre problème : celui de la confidentialité. Pour prendre en compte les subtilités fiscales de chaque cas, les entreprises devraient accéder aux détails intimes de la situation personnelle de leurs employés, comme le revenu du conjoint ou ses propriétés foncières. De quoi peser négativement dans la balance au moment de négocier une augmentation ?

Une transition difficile. La France et son système déclaratif ont un gros défaut : on paie tous les ans des impôts sur les revenus perçus l’année précédente. Or, le prélèvement à la source prend en compte les revenus du moment présent. Le passage au prélèvement à la source se traduirait donc soit par un double paiement de l’impôt, soit par une année blanche, offerte par l’administration fiscale. Comme le rappelle Martial You, chef du service économique d’Europe 1, cela coûterait entre 70 et 75 milliards d’euros à l’Etat. Un luxe qu’il ne peut pas se permettre.

Le prélèvement à la source expliqué par Martial...par Europe1fr

La France, champion des niches fiscales. En France, les contribuables ont la possibilité d’investir leur argent dans certains secteurs et de récupérer une partie de leur mise en crédit d’impôt. Un principe qui permet à l’Etat de ne pas avoir à financer directement certaines opérations, comme des logements ou les associations. Un contribuable peut récupérer jusqu’à 66% d’un don, dans la limite de 20% de son revenu imposable. Le coût des différentes niches fiscales pour l’Etat est estimé par le projet de loi de finances 2014 à 80 milliards d’euros. Une exception qu’il faudrait aussi adapter au prélèvement à la source.

 

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