Grippe aviaire : la France passe en risque "élevé", faut-il s’en inquiéter ?

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ZOOM - De nouveaux cas ont été détectés dans plusieurs régions françaises, conduisant les autorités sanitaires à relever le niveau de risque. 

La lutte contre la grippe aviaire est une bataille au long cours. Près de six mois après un vaste plan d’éradication, la grippe aviaire est réapparue en France cet automne, cette fois-ci dans de nouvelles régions. Les autorités sanitaires ont donc relevé mardi le niveau de risque de grippe aviaire, pour le faire passer à "élevé" au moment où les Français achètent du foie gras en prévisions des fêtes de fin d’année. Que signifie concrètement cette décision et quelles sont ses conséquences ?

Pourquoi reparle-t-on de la grippe aviaire ? L’épidémie de grippe aviaire se propage épisodiquement en France depuis 2006 mais elle vient de faire son retour dans des proportions qui inquiètent suffisamment les autorités sanitaires pour tirer la sonnette d’alarme et prendre des mesures. Le niveau de risque concernant la grippe aviaire a été relevé mardi de "modéré" à "élevé" sur l'ensemble du territoire après la découverte de plusieurs foyers du virus H5N8 "hautement pathogène", a annoncé le ministère de l'Agriculture. Conséquences concrètes : la filière est davantage surveillée et les éleveurs doivent prendre des mesures particulières.

Quelles sont les régions concernées ? Contrairement aux précédents cas, qui ne concernaient que le Sud-Ouest, cette fois-ci c’est toute la métropole qui est concernée. En effet, des cas ont été détectés dans des élevages du Sud-Ouest mais aussi dans la faune sauvage dans le Pas-de-Calais et en Haute-Savoie, a annoncé mardi le ministère de l'Agriculture. Les oiseaux migrateurs sont soupçonnés d’être les premiers vecteurs de cette épidémie. Or, ces derniers ne connaissent pas les frontières et des animaux infectés ont été repérés dans toute l’Europe. L’Anses, l’agence de sécurité alimentaire, évoquait mi-novembre des cas détectés en Hongrie, Pologne, Allemagne, Suisse, Croatie, Danemark, Pays-Bas et Autriche. C’est donc toute la filière avicole européenne qui est sur le pied de guerre.

Manger du foie gras ou de la volaille est-il risqué ? De nombreux consommateurs peuvent se poser la question à l’approche des fêtes de fin d’année, durant lesquelles la consommation de volailles et de foie gras connait un pic. Pourtant, l’alerte lancée par les autorités sanitaires vise plus  à préserver les exploitations que les consommateurs : les amateurs de volailles et de foie gras ne risquent rien. En effet, la filière est désormais très surveillée : "lorsqu'on présente à l'abattage des animaux, quels qu'ils soient, une inspection vétérinaire avant et après leur mise à mort est réalisée afin d'écarter de la chaîne alimentaire des animaux qui ne seraient pas en bonne santé. Et tous les canards abattus jusqu'à présent ont subi ces inspections ante et post mortem", assurait début décembre Loïc Evain, directeur général adjoint de l'Alimentation au ministère de l'Agriculture. Quand bien même des animaux infectés arriveraient à passer entre les filets, le risque est nul : le virus de l'influenza aviaire disparaît à la cuisson et ne se transmet pas par voie alimentaire mais uniquement par voie respiratoire.

La seule précaution à prendre concerne les éleveurs et les professionnels de la filière : l’unique risque identifié concerne la manipulation d’animaux morts à cause de cette épidémie, une opération à laquelle les professionnels du secteur ont été formés.

Faut-il craindre une rupture des stocks pour les fêtes de fin d’année ? Les professionnels du secteur l’assurent : les Français trouveront bien du canard, du foie gras, des pintades et autres chaperons sur les étals. En revanche, leur prix est légèrement en hausse : en effet, suite à la précédente épidémie de grippe aviaire, les élevages du Sud-Ouest ont adopté des mesures drastiques en avril. Les élevages sains ont été confinés, toutes les exploitations ont été nettoyées et les abattages ont été la règle dès qu’il y avait une suspicion. Résultat, les élevages ont pris du retard et la production est en baisse. Ainsi, la production de foie gras devrait reculer de 25% en 2016 par rapport à l’année précédente, ce qui devrait provoquer une hausse des prix de 10 à 20% en grande distribution, d’après le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras. Cette hausse pourraient néanmoins être moins forte que prévu, une partie de la production qui est habituellement exportée risquant de devoir rester en Europe cette année : l'offre sera donc plus importante. 

Comment la filière s’organise-t-elle face à cette nouvelle crise ? Si le risque est quasi inexistant pour les consommateurs, les éleveurs vont, eux, devoir prendre toute une série de mesures. En effet, le risque "élevé" décrété par les autorités déclenche l'instauration de mesures de protection renforcées sur l'ensemble du territoire national : obligation de confinement ou de pose de filets pour empêcher tout contact avec les oiseaux sauvages pour tous les élevages commerciaux de volailles et les basses-cours, interdiction des rassemblements de volailles vivantes, en particulier sur les marchés. Mais la profession semble désormais rôdée : "on a suivi des formations à la bio-sécurité, on a mis en place des mesures de précaution", expliquait ainsi lundi à l’AFP Patrice Caubet, gaveur-conserveur d'Aignan, dans le Gers.

En revanche, les marchés à l’export inquiètent bien plus la profession, surtout la filière foie gras. La France est en effet le premier producteur mondial de cette spécialité et a donc beaucoup à perdre si les frontières se ferment. Le Japon, premier consommateur étranger de foie gras français, et la Chine interdisent depuis des mois les importations françaises, à moins que les produits aient été préalablement stérilisés. La résurgence de la grippe aviaire risque de les rendre un peu plus méfiants encore. "Une nouvelle réunion est prévue mercredi durant laquelle la France et la quinzaine d'autres pays européens concernés par ce virus feront le point sur la situation", a précisé lundi soir le ministère de l’Agriculture.  En revanche, la France pourra continuer à exporter vers le reste de l’Union européenne, qui partage les mêmes règles commerciales et sanitaires.